Illustrateur : Philippe Bertrand
Texte de présentation
En 1663, Louis-Henri de Montespan, jeune marquis désargenté, épouse la somptueuse Françoise "Athénaïs" de Rochechouart. Lorsque cette dernière accède à la charge de dame de compagnie de la reine, ses charmes ne tardent pas à éblouir le monarque – à qui nulle femme ne saurait résister.D'époux comblé, le Montespan devient alors la risée des courtisans. Désormais, et jusqu'à la fin de ses jours, il n'aura de cesse de braver l'autorité de Louis XIV et d'exiger de lui qu'il lui rende sa femme. Lorsqu'il apprend son infortune conjugale, le marquis fait repeindre son carrosse en noir et orner le toit du véhicule d'énormes ramures de cerf. La provocation fait scandale mais ne s'arrête pas là...
Grand prix Palatine du roman historique 2008.
Mon avis : Bien
Un personnage oublié de l'histoire
Dans l'imaginaire collectif, forcément lié en partie à l'enseignement de l'histoire à l'école, Louis XIV, c'est le Roi-Soleil, la magnificence, le raffinement, le mécène des arts (Racine, Boileau, La Fontaine, Molière, Lully, Le Brun, Le Nôtre, Le Vau...), le créateur de manufactures (Gobelins, Sèvres...), mais l'envers du décor est tout autre.La cour de Louis XIV, c'est aussi le règne de l'hypocrisie, de l'apparence, d'une monarchie absolue certes mais qui s'étend jusque dans la vie personnelle de ses sujets. Et Monsieur de Montespan en fut l'une des victimes. Jean Teulé retrace ici l'histoire de ce personnage oublié de l'Histoire, celle d'un homme qui aime sa femme au point d'affronter avec le courage du désespoir le pouvoir absolu de son époque. En effet, lorsqu'on évoque le nom de Montespan, on songe immédiatement à Madame de Montespan et à Louis XIV, mais jamais à son mari et à ses enfants.
À cette époque, le mari cocufié par le roi devait s'estimer heureux lorsque ce dernier jetait son dévolu sur son épouse. À la clé : prestige, honneurs, promotions, argent... Mais Monsieur de Montespan aime véritablement et éperdument sa femme, d'un amour rare à cette époque, exclusif. Il ne supporte pas de la voir dans d'autres bras, même s'il s'agit de ceux du roi.
Il va tout faire pour récupérer son épouse : après avoir tenté d'attraper la vérole auprès de prostituées, il entrera au château de Versailles déguisé en femme pour tenter de transmettre la maladie à sa femme dans le but qu'elle transmette elle-même la maladie au roi (mais il n'a pas la vérole), il dénoncera l'absolutisme du roi déclenchant un tapage inimaginable dans tout Paris, il se déplacera dans une berline peinte en noir, coiffée de gigantesques ramures de cerfs ainsi que des cornes dessinées sur les portières, il organisera le simulacre des funérailles de son amour (une tombe avec une simple croix en bois)... Mais ses tentatives se solderont par des échecs et lui vaudront d'être emprisonné à la prison de Fort-L'Êvêque (quai de la Mégisserie), puis exilé dans son château familial, croulant sous les dettes.
Ce roman est si original et passionnant que j'aurais aimé qu'il soit plus long. Pourtant Jean Teulé a eu la bonne idée de ne pas se focaliser uniquement sur l'histoire de l'adultère, il nous raconte l'histoire de cet amour depuis le début, depuis la rencontre de Louis Henri de Pardaillan de Gondrin et de Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart à la suite d'un duel dans lequel le frère du marquis se retrouve décapité et le futur mari de Françoise en exil. Il nous présente les deux enfants nés de cet amour, Marie-Christine de Pardaillan de Gondrin (1663-1675, morte à 12 ans) et Louis Antoine de Pardaillan de Gondrin (1665-1736), futur duc d'Antin, et leur destin ; on assiste au début de leur vie de jeune couple...
Le style si particulier de Jean Teulé
Le style de Jean Teulé, que certains lui reprochent parfois, fait ici merveille, car il n'en abuse pas. Langage cru, direct et parfois anachronique : j'aime cette modernité quand elle est présente à bonne escient, à la bonne dose et qu'elle sert l'histoire ! Le roman historique est vivant et actuel, il ne doit pas user jusqu'à la caricature d'un langage passéiste et poussiéreux. Tout est affaire d'équilibre et Jean Teulé l'a ici atteint.Oui, Versailles, c'est la splendeur, le raffinement, mais c'est aussi le mensonge, les complots, l'hypocrisie, les vilenies (un peu comme aujourd'hui !) et Jean Teulé restitue très bien cette Cour où personne n'ose élever la voix, contredire le roi, s'élever contre les inégalités et les injustices.
Un roman émouvant et révoltant
Un roman passionnant donc et touchant, mais pas seulement en raison de Monsieur de Montespan et de son combat. On y voit aussi un autre personnage oublié de l'Histoire : Marie-Christine de Pardaillan de Gondrin qui meurt à l'âge de 12 ans, privée de la présence et de l'amour de sa mère...Un roman révoltant aussi parfois quand on voit le comportement hautain et méprisant du fils, Louis Antoine de Pardaillan de Gondrin... Juste un exemple extrait du roman : à la mort de sa mère, il refuse de s'occuper du corps, le roi de même... La marquise avait laissé des instructions pour qu'après son décès ses entrailles et son coeur soient légués au prieuré de Saint-Menoux. Les entrailles sont déposées dans une urne mal scellée et données à un homme, à charge pour lui de les porter au prieuré. En route, l'odeur émanant de l'urne l'écoeure tant qu'il en jette le contenu dans un fossé. Les cochons et les chiens se précipitent sur les entrailles de Madame de Montespan. Je pense que Jean Teulé s'est appuyé sur une documentation historique solide, mais je n'ai pas réussi à trouver d'informations à ce sujet à part le fait que Madame de Montespan est morte en 1707, lors d'une cure à Bourbon-l'Archambaul, et qu'elle est inhumée dans la chapelle des Cordeliers de Poitiers. J'essaierai d'approfondir cette histoire un jour...
Pour finir sur une note un peu plus gaie, saviez-vous que la rue de la Chaussée d'Antin fut ainsi nommée par le roi en l'honneur de ce fameux fils : Louis Antoine de Pardaillan de Gondrin duc d'Antin ?
L'avis des blogueurs
Chez sentinelle –– Dans la biblio de Koko –– Des livres, des livres !Caractéristiques techniques
Livre papier
Éditeur : PocketDate de parution : novembre 2012
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,7 cm
Pagination : 360 pages
ISBN : 978-2-2662-3165-7
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