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jeudi 2 mai 2024

Juliette et les Cézanne

Juliette et les Cézanne
Auteur : Jean d'Aillon

Texte de présentation

Avril 1944 : le capitaine John Cavendish – nom de code : Forbin – est parachuté en Provence. Il est chargé par le B.C.R.A. de retrouver deux tableaux inestimables de Paul Cézanne avant que les Allemands ne s'en emparent.
Mais lorsque Juliette Lecompte, une jeune restauratrice de tableaux du musée Granet, membre du réseau Libération-Sud, découvre que Cavendish propose des Cézanne à l'avocat Bergatti, défenseur du bandit Carbone, pilier de la Solidarité française et ami de Sabiani, le chef du parti populaire français, les responsables de la Résistance décident d'interroger l'agent anglais. Mais celui-ci, ainsi que Juliette Lecompte, a disparu.
Dans le maquis de Provence, dans les bars de la Plaine ou à l'Alcazar, à la Gestapo de la rue Paradis, à Marseille, ou de la Mule Noire, à Aix, chacun tente de mettre la main sur les tableaux de Cézanne et sur le capitaine Cavendish. Pour mettre la main sur les oeuvres du Maître, vont s'affronter un avocat véreux lié aux bandits marseillais, des membres de la Milice, et même l'acheteur de tableaux du Reichsmarshall Goering. Face à eux, un adversaire redoutable – Hitler, et son projet fou du plus grand musée de la Terre, le musée de Linz.
Dans ce tourbillon d'actions, de dangers et parfois aussi de morts, une question demeure : qui manipule qui, et quelle est la véritable mission de John Cavendish ?

Mon avis : Très Bien

Jean d'Aillon nous plonge dans l'époque tumultueuse de la Résistance avec ce roman historique qui entremêle avec finesse vérité et fiction. De l'action, du suspense, un contexte historique bien documenté, des personnages intéressants : voici un roman historique passionnant.
Si vous avez, comme moi, quelques difficultés à lire des romans historiques se passant durant les guerres du XXe siècle, lisez ce roman historique : l'angle d'approche pris par Jean d'Aillon pour parler de cette époque – l'art –, est original, riche et bien maîtrisé.
Une petite bibliographie en fin d'ouvrage permet aux plus curieux de poursuivre leur propre enquête.

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : 10/18
Date de parution : mai 2024
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,7 cm
Pagination : 504 pages
ISBN : 978-2-2640-8476-7

jeudi 8 juin 2023

Enfants de la liberté

Enfants de la liberté
Auteur : Alain Léonard

Texte de présentation

1783. La vie est rude pour ceux qui cultivent la terre, tributaires du climat, des mauvaises récoltes et accablés d'impôts. Catherine, fille du puisatier du village, se voit forcée de quitter sa famille acculée à la misère, et d'entrer au service des nobles locaux, les Saint-Val. Elle suivra ses maîtres à Paris où la colère populaire, qu'attisent la faim et des décennies d'injustices, sera à l'origine des événements de 1789 qui conduiront à des changements radicaux dans la société française.
Du statut de femme de chambre, puis de fugitive à celui d'héroïne de la Bastille, Catherine, jeune fille au caractère entier et rebelle, connaîtra un destin hors du commun. À travers son épopée, entre joies, peines et amours, c'est un pan de la Révolution française et de la société du XVIIIe siècle qui nous est dévoilé.

En complément

  • Vidéo :

Mon avis : Très Bien

La Révolution française est certainement l'une des périodes de prédilection des auteurs de romans historiques. Ces derniers temps, fruit du hasard ou bien de mon inconscient, j'ai lu pas mal de romans se déroulant à cette époque, au point de saturer un peu : imaginez mon état quand pour la énième fois de suite je revis la prise de la Bastille ! Alors c'est avec un peu d'appréhension, craignant l'ennui, que je me suis emparée de ce roman. Mais les premières pages m'ont immédiatement captivée et ceci jusqu'au bout du roman !

Point d'enquête policière, pas plus de romance historique et encore moins de terroir, et pourtant ce roman est un subtil mélange parfaitement dosé de suspense, de sentiments et de retranscriptions méticuleuses de la vie quotidienne aussi bien à Paris qu'à la campagne et des événements historiques tels qu'ils ont été vécus par les différents personnages de ce roman.
Et, en tout premier lieu, par l'héroïne, youpi, une femme au centre d'un roman historique ! Et quel personnage ! Catherine, fille du puisatier d'un petit village du Limousin, est obligée de quitter sa famille pour des raisons financières et de se mettre au service du baron et de la baronne de Saint-Val en tant que femme de chambre. La douleur provoquée par la séparation familiale est ravivée le jour où elle doit suivre ses maîtres à Paris, ceux-ci pensant y être davantage en sécurité par les temps qui courent. Pas vraiment, mais Catherine y gagnera sa liberté et vivra au jour le jour les événements de l'année 1789 mais y rencontrera aussi un certain Camille Dessailly, écrivain et journaliste, avec lequel elle nouera une relation intime. Ce tandem Catherine-Camille fonctionne bien, l'un étant le contrepoids de l'autre : quand l'un s'enflamme, l'autre tempère ; quand l'un prend des risques, l'autre tente de le raisonner, etc., mais ce beau duo ne sera pas pour autant à l'abri du danger, bien loin de là d'ailleurs ! Car si Catherine est animée par un sentiment de justice, prenant parfois des risques, toujours elle saura raison garder, ce qui ne sera pas le cas de Camille...

Même si les événements sont vécus principalement à travers les personnages de Catherine et de Camille, autour d'eux gravite tout un cercle de personnages secondaires appartenant à différentes classes sociales, Jean, Marie, le baron et la baronne de Saint-Val, les lavandières, la famille de Catherine. Et tous jouent un rôle important dans ce roman, car chacun exprime à son échelle et selon sa position sociale ses espoirs, ses craintes, ses colères. C'est là l'un des principaux atouts de ce roman : les événements sont vécus à hauteur d'homme, par les gens du peuple et cette approche donne énormément de vie et de force à ce roman. Les faits ne sont plus abstraits, ce ne sont plus de simples dates égrenées – la prise de la Bastille prend une tout autre couleur quand elle est vécue par Catherine ! –, on sent au fil des mois la tension croître et la colère sourdre face aux injustices de plus en plus criantes. Le peuple ne mange pas à sa faim, le peuple travaille d'arrache-pied, le peuple est assommé par les impôts et les taxes alors que, pendant ce temps, d'autres mènent un train de vie dispendieux dans leurs manoirs, châteaux et autres belles demeures.
Le contexte historique n'en est pas pour autant oublié : la mauvaise conjoncture économique et les conditions climatiques exécrables – responsables de mauvaises récoltes, de famines et d'une mortalité plus importante – sont parfaitement évoquées.
Et c'est aussi toute une réflexion qui s'enclenche à travers les personnages lorsqu'ils s'aperçoivent que leurs idéaux révolutionnaires sont dévoyés, que la machine s'emballe... signes annonciateurs de funestes événements à venir.

Mais au-delà des faits, des lieux (Versailles, Hôtel de ville, Invalides, Bastille, prison de la Force, etc.) et des personnages historiques (Robespierre, le gouverneur Delaunay, etc.), parfaitement décrits sans nous noyer sous les détails – et c'est loin d'être facile quand on parle de Révolution française –, j'ai particulièrement apprécié la restitution de la vie quotidienne, certes à Paris (tavernes, marchés, lavoir, etc.), mais surtout à la campagne : le travail aux champs, les relations familiales et sociales, les fêtes campagnardes, le déroulement du repas, etc. Car si la vie à la Cour est bien documentée, il n'en va pas de même pour la vie rurale : c'est une réalité plus difficile à saisir, même si des travaux récents permettent aujourd'hui de mieux l'appréhender et la cerner.
Toutes les descriptions, à la fois précises et concises, laissent place à l'imagination ; des odeurs, des couleurs, des émotions surgissent au fil des phrases : par exemple, le travail des lavandières est retranscrit de manière extrêmement vivante, avec une foule de petits détails très intéressants, les gestes, la position du corps, le parler d'alors, les douleurs engendrées par ce travail, les odeurs, etc. Tous les détails sont amenés de manière si fine, fluide et vivante qu'à aucun moment on est pris d'ennui, le récit est bien rythmé. Autre exemple, les relations familiales : on a longtemps pensé qu'au cours des siècles précédents les relations parents-enfants étaient dénuées d'affection, du fait notamment d'un taux de mortalité en bas âge élevé, surtout quand il s'agissait de filles, mais les dernières recherches en la matière montre que cette idée est fausse, du moins à fortement relativiser. Et, ici, l'auteur met justement en avant, de manière inattendue, une belle histoire familiale dans laquelle les liens de tendresse, d'affection et d'amour sont présents même s'ils ne sont pas toujours exprimés de vive voix ou de manière démonstrative.
Mais tout n'est pas rose dans ce roman, je pense notamment à une scène d'avortement particulièrement réaliste, au point d'en avoir le coeur au bord des lèvres, mais aussi aux dangers qui guettent les personnages, tous n'en sortiront pas indemnes... Et autant vous dire que la fin du roman laisse présager une suite, ce qui est confirmé par le texte de quatrième de couverture... et là, je n'ai qu'une hâte, découvrir la suite de cette histoire !

♜ ♜ ♜ ♜ ♜ ♜

En conclusion
Points forts :
  • Du suspense, des sentiments, de l'histoire et de l'Histoire : un dosage subtil et parfaitement réussi.
  • Choix d'une héroïne avec en contrepoids un personnage masculin permettant d'équilibrer les points de vue.
  • Une période complexe, extrêmement riche en événements, mais rendue ici accessible quel que soit le degré de connaissance du lecteur.
  • Des événements vécus au plus près par les gens du peuple : un éclairage original des faits, nous permettant de comprendre l'exaspération de la population et de saisir toute sa détresse.
  • Des descriptions enlevées, vivantes et précises laissant cependant toute sa place à l'imagination,  sans assommer le lecteur de détails.
  • Une évocation très réussie de la vie rurale, si difficile à appréhender encore de nos jours.
  • Une maîtrise du récit, un bon rythme avec des pics de suspense.

Points faibles :
  • Le visuel de couverture ne me semble pas illustrer le contenu du roman, il n'en représente qu'une infime partie et ne met pas en valeur les véritables points forts du roman (cependant, je sais combien il est difficile de concevoir une couverture et de choisir le visuel…).
  • Il va me falloir attendre un peu pour le tome 2 ;-)

Merci aux éditions De Borée !

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : De Borée
Date de parution : juin 2023
Couverture : brochée
Format : 11 cm x 17,8 cm
Pagination : 356 pages
ISBN : 978-2-8129-3865-8

Livre numérique

Éditeur : De Borée
Format : 7switch : ePub ou Mobipocket –– Amazon : Kindle –– Decitre : multiformat –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– NeoBook : ePub ––Numilog : ePub

jeudi 17 septembre 2020

La débâcle

La débâcle
Auteur : Romain Slocombe

Texte de présentation

Du 10 juin 1940, quand le gouvernement s'enfuit de Paris, au 17, où Pétain annonce la demande d'armistice, huit jours qui ont défait la France.
"Le niveau d'essence dans le réservoir baissait dangereusement. Mme Perret se plaignait en permanence, se disputait avec Bernard qui voulait lui prendre la carte. À l'horizon en face de la colonne montaient de grandes lueurs orangées : un bombardement ? des dépôts de carburant en flammes ? Exténuée, sentant le mal au coeur revenir, gênée dans ses vêtements moites de transpiration, sa combinaison trop serrée, Jacqueline a fini par s'endormir, la tête sur l'épaule de la domestique et le chien sur ses genoux, bercée par les grincements d'essieux, les hennissements et le claquement des sabots, et un choeur de filles qui, quelque part derrière, chantaient du Tino Rossi..."
Jetés sur les routes de l'exode, une famille de grands bourgeois, un soldat, un avocat fasciste, une femme seule et beaucoup d'autres, dans une vaste chasse à courre à l'échelle d'un pays où nul ne sait encore qui sonnera l'hallali.
Avec La Débâcle, tout à la fois fresque au vitriol, road-trip hyperréaliste, chronique d'une débandade et récit initiatique, Romain Slocombe ajoute une pièce maîtresse à son grand roman noir national.

Mon avis : Très bien


Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Points
Date de parution : septembre 2020
Couverture : brochée
Format : 11 cm x 17,8 cm
Pagination : 480 pages
ISBN : 978-2-7578-8382-2

Livre numérique

Éditeur : Robert Laffont
Format : 7switch : ePub –– Amazon : Kindle –– Decitre : ePub –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– Lisez ! : ePub –– Numilog : ePub

mercredi 16 septembre 2020

L'acier et la soie

L'acier et la soie
Autrice : Anna Logon

Texte de présentation

En 1878, alors qu'elle fête son dixième anniversaire, Charlotte visite l'Exposition universelle de Paris avec son père, maître fondeur. C'est une révélation : elle développe une véritable passion pour l'industrie. C'est décidé, elle va mettre ses pas dans ceux de son modèle, Gustave Eiffel.
Mais en cette fin de XIXe siècle, il est presque inconcevable pour une jeune fille de réaliser un projet d'homme. Entre humiliations et réticences paternelles, Charlotte semble être à mille lieux de son rêve.
Alors, pour y parvenir et entrer à l'école des Mines, elle se déguise en homme et devient Charles. Une audace qui va lui ouvrir des portes et lui faire vivre mille aventures. Mais sa quête de liberté et d'indépendance est entravée par les épreuves. À commencer par la plus difficile d'entre elles : un douloureux secret de famille qui menace de réduire ses rêves à néant...

Mon avis : Très Bien

Dans ce premier roman, Anna Logon explore le thème de la condition féminine à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, un sujet déjà abordé à de multiples reprises dans les romans historiques. Ce roman apporte-t-il un oeil différent sur la question ?

Une femme de caractère...
L'héroïne, Charlotte, n'est pas un personnage comme les autres. Certes elle a eu la chance de naître, en 1868, dans une famille plutôt aisée de province ; son père dirige une fonderie. Mais un premier malheur l'atteint quelques années plus tard, en 1871, lorsque sa mère, Antoinette, meurt en accouchant. Charlotte grandit alors dans la mémoire de cette mère partie trop tôt, entre un père taciturne, mais pourtant aimant, et son jeune frère, Hubert, pour le moins turbulent. Très tôt, la jeune Charlotte fait montre d'une grande curiosité, elle a soif d'apprendre. Son précepteur, Louis, l'encourage sur cette voie. L'année 1878 sera pour elle une date clé : la visite de l'Exposition universelle, vitrine des réalisations technologiques et industrielles des nations, et la découverte de la Paris l'émerveillent ; c'est décidé, elle fera des études et travaillera avec Gustave Eiffel ! Mais c'est aller un peu vite en besogne : en cette fin de XIXe siècle, une jeune fille de bonne famille ne travaille pas, elle se marie et s'occupe de son foyer. Pourtant, c'est bien mal connaître Charlotte, bien décidée de prendre en main les rênes de son destin !

... mais avec ses failles
Grâce à ce roman, l'on suit ainsi le parcours étonnant et parfois chaotique d'une héroïne certes déterminée mais loin d'être sûre d'elle, et c'est là l'une des originalités de ce roman : chaque épreuve traversée par Charlotte nous montre combien il était difficile, même avec la plus grande volonté du monde, de s'émanciper à cette période : parvenir à se détacher de l'emprise familiale, faire des études, trouver un travail, gagner de l'argent... Charlotte fait preuve d'un courage, d'une détermination et d'un culot pour le moins déconcertant, n'hésitant pas, par exemple, à se déguiser en homme pour suivre les cours de l'École des Mines, ce qui sera à l'origine de quelques sueurs froides pour l'héroïne mais aussi pour le lecteur qui ne peut que s'attacher à ce personnage si émouvant.

Un parcours semé d'embûches
Le danger qui guette tout auteur traitant de ce sujet avec un tel personnage serait de tomber dans les poncifs ou un côté "fleur bleue". Mais l'autrice n'épargne pas les épreuves à son héroïne : loin d'être un parcours tranquille, Charlotte va devoir franchir divers obstacles, commettra des erreurs, aura des regrets, tombera pour mieux se relever mais toujours elle avancera avec, en ligne de mire, sa liberté.
J'ai parfois eu l'impression que certains personnages étaient un peu caricaturaux, je pense surtout à son frère Hubert qui est vraiment détestable, mais, après tout, de tels personnages ont peut-être véritablement existé dans ces familles où l'on se taisait, où les haines étaient tenaces, surtout quand il y était question de secrets de famille. Car là est un autre intérêt de ce roman, l'existence d'un secret autour des origines de Charlotte, dont on ne se doute pas au début du roman. La vérité éclatera un jour, elle sera pour Charlotte une première étape dans son chemin vers l'indépendance. D'ailleurs, j'ai bien cru à un moment donné que le roman allait s'orienter vers une piste plus policière, car son frère est véritablement un personnage inquiétant et dénué de tout scrupule et il y a quelques morts suspectes, mais chut !

La vie au XIXe siècle
En parallèle, l'on découvre avec grand intérêt l'atmosphère qui régnait en cette fin de XIXe siècle, une période marquée par les inventions technologiques (électricité, train, photographie, cinéma, etc.) et l'industrialisation galopante, célébrées par tous bien qu'inquiétante au regard de la situation actuelle. Une période florissante, ouverte sur le monde et l'univers, mais si rétrograde quant au sort des femmes. Bien documenté, juste comme il faut, ce roman nous permet donc de véritablement se plonger dans cette ambiance si ambivalente, découvrant le décor, la vie quotidienne et les moeurs aussi bien en province que dans la capitale, aussi bien dans des familles aisées que dans les classes populaires ou artistes... Le style de l'autrice, fluide et dynamique mais tout en douceur, permet de vraiment se fondre dans cette histoire émouvante.

Une fin précipitée...
Mon petit bémol est justement lié à cette histoire poignante... on quitte avec regret Charlotte et on la quitte avec d'autant plus de regrets que la suite et la fin de sa vie sont survolées en très peu de pages. Ainsi, le roman accélère d'un coup d'une manière inattendue (mais je me dis que continuer sur le même rythme aurait conduit à un énorme roman, ce que n'aiment guère les éditeurs), on continue la lecture en se disant en même temps "Hé, tout doux là, cela va trop vite !" et en espérant que le rythme va ralentir mais subitement c'est la fin : on quitte assez brutalement et de manière inattendue Charlotte, comme si toute la suite de son histoire était dénuée d'intérêt, mais je suis sûre du contraire.
Ce changement de rythme m'a un peu déconcertée... pour vous donner une comparaison, c'est comme si vous preniez un café avec un ami que vous n'avez pas vu depuis longtemps mais auquel vous tenez beaucoup : il commence à vous donner des nouvelles, à vous raconter tout ce qui s'est passé durant tout ce temps, vous êtes captivé mais, tout à coup, il se lève et vous dit qu'il doit partir sans autre explication et vous vous retrouvez seul, dans l'incompréhension la plus totale !

Les premiers romans comportent souvent de petits défauts – et c'est compréhensible. Ici, ce n'est pas le cas : Anna Logon fait preuve d'une grande maîtrise sur tous les plans : scénario, personnages, descriptions, rebondissements, rythme, etc. Si je n'avais pas lu qu'il s'agissait d'un premier roman, jamais je ne l'aurais deviné ! Cela promet pour la suite !

♜ ♜ ♜ ♜ ♜ ♜

En conclusion
Points forts :
  • Une héroïne attachant, avec ses forces et ses faiblesses.
  • Un roman qui s'attache à nous faire découvrir la vie quotidienne au sein de différentes classes sociales, aussi bien en province qu'à Paris : famille bourgeoise, classe populaire, artistes
  • Du réalisme : tout ne réussit pas à l'héroïne, elle commet des erreurs, fait des bêtises, ce qui lui donne du relief.
  • Un contexte historique parfaitement retranscrit, sans lourdeur.
  • Une écriture fluide et dynamique mais pleine de douceur, mêlant dialogue et descriptions.

Points faibles :
  • Une rupture de rythme à la fin du roman avec une brusque accélération vraiment déconcertante.
  • Des personnages parfois un peu trop caricaturaux.

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : City
Date de parution : septembre 2020
Couverture : brochée
Format : 15,3 cm x 23,5 cm
Pagination : 352 pages
ISBN : 978-2-8246-1766-4

Livre numérique

Éditeur : City
Format : 7switch : ePub –– Amazon : Kindle –– Decitre : ePub –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– Numilog : ePub

jeudi 18 juin 2020

1793

1793
Auteur : Niklas Natt Och Dag
Traduction : Rémi Cassaigne

Texte de présentation

1793. Le vent de la Révolution française souffle sur les monarchies du nord. Un an après la mort du roi Gustav III de Suède, la tension est palpable. Rumeurs de conspirations, paranoïa, le pays est en effervescence.
C'est dans cette atmosphère irrespirable que Jean Michael Cardell, un vétéran de la guerre russo-suédoise, découvre dans un lac de Stockholm le corps mutilé d'un inconnu. L'enquête est confiée à Cecil Winge, un homme de loi tuberculeux. Celui-ci va bientôt devoir affronter le mal et la corruption qui règnent à tous les échelons de la société suédoise, pour mettre à jour une sombre et terrible réalité.

Mon avis : Très Bien

Encensé par les critiques littéraires aussi bien en Suède qu'en France, 1793, premier roman de Niklas Natt och Dag dont on sait seulement qu'il est le descendant d'une des plus anciennes familles nobles de Suède, serait selon son éditeur "le best-seller qui révolutionne le thriller historique" ! Une sacrée promesse qui a attisé ma curiosité ! Mais qu'en est-il réellement ?

L'histoire
Comme son titre sobre et laconique l'indique, l'action se déroule en 1793, date qui m'a fait pressentir que le roman allait se passer en France, sous la Terreur... En fait, non, je suis partie pour la Suède ! Deuxième surprise : compte tenu de la photo de couverture, je me suis dit que j'allais me retrouver au beau milieu d'une bataille navale (le tableau représente en effet la bataille de Vyborg par Ivan Aïvazovski). Eh non, je me suis bien retrouvée au beau milieu de l'eau, mais dans le nauséabond lac Fatburen, à Stockholm ! C'est là que Cardell, un ancien soldat qui a perdu un bras lors de la guerre russo-suédoise et reconverti en "boudin" (ce terme, non défini dans le roman, désigne en quelque sorte un auxiliaire de la police), vient de découvrir le corps atrocement mutilé d'un homme qui flotte en surface des eaux glacées du lac. Histoire de vous mettre dans l'ambiance, il ne reste du corps qu'un tronc sans bras ni jambes, les yeux ont été crevés, les dents arrachées et la langue a été tranchée. Comble de l'horreur, ces sévices ignobles ont été réalisés non pas en une seule fois mais de manière étalée dans le temps ! Qui est cet homme, pourquoi lui avoir fait subir un tel supplice et qui est ce monstre sanguinaire capable de commettre de tels actes ? Il faut l'arrêter au plus vite ! L'enquête, menée par Cardell et son acolyte Winge, un homme de loi rongé par la tuberculose, s'annonce bien compliquée, les deux enquêteurs vont en effet plonger dans les tréfonds de Stockholm avec un ticket en première pour l'enfer...
"Puis le paquet se retourne et il se retrouve face à lui. Ça n'est pas du tout décomposé, mais les orbites qui le regardent sont vides. Derrière les lèvres déchirées, plus de dents. Les cheveux ont gardé leur lustre – la nuit et l'eau gluante de Fatburen ont fait de leur mieux pour éteindre son éclat, mais c'est sans aucun doute une claire chevelure blonde."

Un contexte historique effleuré
1793... autant la situation en France à cette date m'est plutôt familière, autant celle de la Suède ne me l'est pas ! Cependant ne vous attendez pas avec ce roman à une description pointue et circonstanciée de la situation de la Suède en 1793. Tout au plus vous apprendrez de manière décousue que la Suède a été en guerre contre la Russie, que le roi Gustav III est mort un an auparavant et qu'après une lutte de pouvoir c'est finalement le baron Reuterholm qui dirige le pays au nom du comte Karl, frère du roi et nommé régent et tuteur du prince héritier Gustave IV.
Faute d'une documentation en début ou fin d'ouvrage – seules figurent une carte de Stockholm, intéressante mais non indispensable pour la compréhension du roman, et une postface de l'auteur –, il m'a donc fallu faire quelques recherches de mon côté pour comprendre où je mettais les pieds : c'est ainsi que j'ai découvert les tenants et les aboutissants de la guerre russo-suédoise et que le roi Gustav III avait été assassiné ! Pas de note explicative sur le contexte historique mais pas non plus de notes de bas de page pour expliquer certains termes, je pense surtout à "boudin" et à "saucisse" (ce dernier indiqué en italiques dans le roman) ! J'en ai déduit que le terme "boudin" désignait un ancien soldat reconverti en auxiliaire de la police et qu'une "saucisse" était un policier municipal, mais c'est mon interprétation... Vous comprendrez donc ma surprise lorsque j'ai lu, une fois le corps mutilé découvert, cette phrase : "Courez à Slussen chercher les saucisses." !
Tout juste remis de la guerre russo-suédoise et de l'assassinat de Gustav III, le pouvoir en place se sait fragile et menacé par de multiples complots qui visent à le renverser. Il surveille donc de près le sort de la France qui vient de basculer sous la Terreur. Chute de la monarchie française, exécution de Louis XVI... il ne manquerait plus que l'esprit révolutionnaire ne gagne à son tour le pays ! Car côté inégalités sociales, la Suède n'a rien à envier à la France ; là aussi, les inégalités sociales sont criantes et la colère du peuple commence à monter.

Une construction surprenante et une intrigue diabolique !
Ce roman est découpé en quatre grandes parties correspondant aux quatre saisons de l'année 1793. La première partie – une centaine de pages – est d'un classicisme absolu même si l'on pressent déjà une qualité d'écriture réaliste, puissante et très sensorielle, et suit le schéma traditionnel : découverte d'un corps et début, un peu lent ici, de l'enquête.
Au bout de ces cent pages, un peu déconcertée, je me suis vraiment demandé où était l'aspect révolutionnaire de ce thriller… Mais arrivée à la deuxième partie, la gifle ! Contrairement à l'ordre des choses, le roman ne suit pas l'ordre chronologique, il fait des allers-retours dans le temps : il démarre à l'automne, se poursuit à l'été puis au printemps et fait de nouveau un bond en avant pour se terminer à l'hiver ! Ainsi, la dernière partie est la suite directe de la première et elles correspondent à l'enquête de Cardell et Winge tandis que les deux autres parties qui s'intercalent au milieu sont des retours dans le passé, dont le rapport avec l'enquête n'est pas évident de prime abord puisqu'elles mettent en avant de nouveaux personnages sans aucun lien avec nos enquêteurs et, pour la seconde partie, une nouvelle forme de narration, le narrateur omniscient laissant sa place à une forme épistolaire. C'est à partir de cette deuxième partie que le roman décolle vraiment et, encouragée par des chapitres courts, je ne l'ai plus lâché, totalement captivée par cette construction atypique qui complexifie l'intrigue et accentue le suspense.
Cette construction s'apparente véritablement à un puzzle dont les différentes pièces ne signifient rien isolément mais qui, une fois assemblées, prennent tout leur sens. Et là, c'est l'auteur qui gère d'une main de maître le rythme d'assemblage des pièces même si l'on pressent qu'on se dirige droit vers l'enfer. Et le lecteur ne perd jamais le fil de l'histoire, tout est calculé au millimètre près par l'auteur. Ce dernier est en quelque sorte le maître du jeu : il délivre au moment voulu les indices qui nous permettent d'établir les liens entre les faits et les personnages, il est impossible pour le lecteur de devancer l'auteur, c'est tout simplement diabolique et très bien maîtrisé !

Un emprunt aux codes du polar scandinave
Cette intrigue très bien ficelée et diabolique à souhait prend place dans un environnement et une ambiance très bien décrits. Pour illustrer l'atmosphère particulière qui règne dans ce roman, les critiques littéraires ont souvent évoqué Le Parfum de Patrick Süskind. Le parallèle est en effet pertinent et j'ai aussi pensé par certains aspects aux thrillers de Karen Maitland et aux polars scandinaves (Camilla Läckberg, Lars Kepler, Jussi Adler-Olsen, etc.).
Par le biais d'une écriture puissante, sensorielle, crue et glaçante (bravo au traducteur !), car dénuée de tout sentiment, l'auteur parvient à créer une atmosphère sombre, lourde, glauque et glaciale dans laquelle évoluent des personnages tourmentés, torturés, voire sadiques ! Même les deux enquêteurs n'échappent pas à cette atmosphère oppressante malgré la part de lumière qu'ils apportent au récit. Quand je vous parle d'enfer, on n'en est vraiment pas loin… Car l'auteur ne nous épargne rien, sa plume faisant intervenir immédiatement nos cinq sens, c'est pour cela que je parle d'écriture sensorielle. Quand il s'agit des descriptions d'un Stockholm répugnant, malsain, sale, pauvre et violent, cela passe encore, mais quand l'auteur détaille certaines scènes mettant en lumière la perversité et la cruauté de certains personnages, la lecture devient éprouvante, à la limite du soutenable, et même si je n'ai sauté aucune ligne j'avoue avoir eu à plusieurs reprises des haut-le-coeur : on entend les hurlements, les plaintes et les pleurs, on respire les miasmes, on touche les chairs, on voit les blessures... Cette lecture prend vraiment aux tripes ! Même si je salue le tour de force de l'auteur, ce type d'écriture n'est pas vraiment ma tasse de thé, cette noirceur, cette violence et ce détachement volontaire me mettent plutôt mal à l'aise et je n'aime pas avoir mal au coeur !
"J'ai vu le monde, monsieur Winge. L'humanité n'est qu'une vermine menteuse, une meute de loups assoiffés de sang qui ne désirent rien tant que de tailler en pièces les uns les autres dans leur lutte pour la domination. Les esclaves ne valent pas mieux que leur maître, ils sont juste plus faibles. Les innocents ne gardent leur innocence que grâce à leur faiblesse."
En tout cas, les descriptions de la capitale suédoise nous permettent de nous rendre compte qu'elle n'est ni mieux ni pire que les autres capitales européennes du XVIIIe siècle : il y règne la même misère, la même violence, la même exploitation des femmes et des classes défavorisées, la même perversité humaine, la même corruption notamment au sein de l'aristocratie, etc. Aucun lieu n'échappe à cette atmosphère méphitique et poisseuse : les rues sont dangereuses, les auberges malfamées, la misère et les odeurs nauséabondes sont présentes à tous les coins de rues, les maisons closes laissent libre cours à des formes de sadisme abominables... Et je ne vous parle même pas des filatures de Stockholm, véritables prisons pour femmes, où ces dernières meurent de faim et de fatigue sous les coups des gardiens quand elles ne sont pas violées. On n'est en effet pas loin de la description du Paris de Patrick Süskind. Toute cette noirceur est peut-être un poil caricaturale, mais le but de l'auteur est atteint !
"Cardell s'engage parmi les taudis de l'autre côté du pont. Ici, les familles s'entassent les unes sur les autres dans des baraques menaçant de s'effondrer. La saison qui arrive y est plus redoutée qu'ailleurs : tandis que les derniers recoins de ces misérables masures se remplissent de corps grelottants, les cadavres raidis par le froid s'entassent près des cimetières en attendant que le dégel permette de creuser la terre."

Cardell/Winge : un duo d'enquêteurs étonnant
Loin d'être des super-héros, nos deux enquêteurs n'ont pas été épargnés par la vie mais ils n'en sont pas moins de fins limiers et ils apportent à cette histoire une petite lueur d'espoir, de par leur intégrité, leur détermination et leur intelligence, et ce malgré leurs différences.
Jean Michael Cardell, qui a découvert le corps dans le lac Fatburen, est un ancien soldat, vétéran de la guerre russo-suédoise où il a laissé un bras. Mais ce n'est pas tout : il est aussi porté sur la boisson et tourmenté par des visions cauchemardesques liées à la guerre.
Cecil Winge, quant à lui, est un homme de loi intègre, mais il est rongé par la phtisie ; pour lui, cette enquête sera certainement la dernière – et on se demande même s'il va pouvoir l'achever tant il crache du sang et semble aux portes de la mort. Si le premier est plutôt sanguin et impulsif, le second est réfléchi et calme. La recette est plutôt classique, celle de deux enquêteurs différents mais complémentaires, mais on a rarement affaire à des enquêteurs aussi "cabossés" dont on se demande s'ils vont tenir jusqu'au bout de l'enquête !
Ces deux hommes, qui forment ainsi un duo inattendu, vont apprendre à se connaître au fil des jours et vont même s'apprécier très rapidement, il en va de même pour le lecteur qui découvre progressivement leur histoire personnelle. Ils vont également unir leurs forces pour rendre son identité au corps retrouvé et démasquer le monstre sanguinaire qui est à l'origine de ces sévices. Mais ils sont loin d'imaginer qu'ils vont plonger dans un univers aussi sordide, noir et corrompu...
"Winge, les membres fins, est mince, d'une minceur qui n'est pas naturelle. Il ne pourrait pas être plus différent de Cardell, qui est, lui, un de ces hommes qu'on voit partout dans les rues de Stockholm, à la jeunesse volée par des années de misère et de guerre, usés avant l'heure."

♜ ♜ ♜ ♜ ♜ ♜

En conclusion
Points forts :
  • Une intrigue située en 1793, mais non pas en France comme on aurait pu s'y attendre, mais en Suède.
  • Une construction en quatre parties qui ne suit pas l'ordre chronologique.
  • Une intrigue qui fonctionne comme un puzzle.
  • L'utilisation des codes du polar contemporain scandinave au thriller historique.
  • Une écriture sans concessions, incisive et crue, faisant appel à tous nos sens.
  • Une restitution très vivante de la capitale suédoise au XVIIIe siècle et une description réaliste de la société d'alors.
  • Un duo d'enquêteurs atypiques, loin de l'image des super-héros.

Points faibles :
  • Un contexte historique trop peu présent et certains mots non définis.
  • Des descriptions souvent à la limite du soutenable, rendant la lecture très éprouvante. Coeurs sensibles, prudence !
  • Une histoire si terrible et abominable qu'elle en devient à certains moments irréaliste et improbable.

L'avis de la presse

  • Historia (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Pocket
Date de parution : juin 2020
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,7 cm
Pagination : 528 pages
ISBN : 978-2-2662-8809-5

Livre numérique

Éditeur : Sonatine
Format : 7switch : ePub –– Amazon : Kindle –– Decitre : ePub –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– Lisez ! : ePub –– Numilog : ePub

jeudi 2 janvier 2020

Libre d'aimer

Libre d'aimer
Auteur : Olivier Merle

Texte de présentation

La brûlante passion de deux femmes sous l'Occupation.
Un hymne à la liberté, contre toutes les oppressions.
Juillet 1942. Elle s'appelle Esther, elle a 20 ans, elle est juive. Ses parents ont été arrêtés, elle erre dans les rues de Paris, perdue et terrifiée. Alors qu'elle se repose sur un banc, son regard croise celui d'une femme élégante, plus âgée qu'elle, qui fume de longues cigarettes à la terrasse d'un café.
Esther ne le sait pas encore mais sa rencontre prochaine avec Thérèse Dorval, l'épouse d'un homme cynique et violent qui collabore avec les Allemands, va bouleverser sa vie.
Naissance d'un désir irrésistible, en pleine tragédie. Amour interdit de deux femmes emportées par le feu de la passion.
À Dinard, où elles se réfugient, elles devront, sous la pluie des bombes alliées, décider de leur destin : se séparer pour tenter de survivre ou accepter de mourir par amour.

En complément

Mon avis : Très Bien


Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Pocket
Date de parution : janvier 2020
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,7 cm
Pagination : 512 pages
ISBN : 978-2-2663-0028-5

Livre numérique

Éditeur : XO
Format : 7switch : ePub –– Amazon : Kindle –– Decitre : ePub –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– Numilog : ePub

jeudi 6 juin 2019

Néron

Néron
Autrice : Catherine Salles

Texte de présentation

Lucius Domitius Ahenobarbus est né le 15 décembre 37 à Antium et mort le 9 juin 68 à Rome. Plus connu sous le nom de Néron, il est le cinquième et dernier empereur romain de la dynastie julio-claudienne. Prince poète, chanteur et musicien, organisateur de célébrations sportives et artistiques, il cultive un grand sens esthétique. Cependant sa sensibilité n'efface en rien son autre facette : celle d'un despote cruel, matricide et pyromane.
Durant des siècles, Néron a été l'emblème du crime et de la perversité, si bien qu'il est difficile pour les historiens d'en établir une autre image. Faut-il alors, comme Suétone, s'en tenir à un portrait à charge ? Spécialiste de l'Antiquité romaine, Catherine Salles démêle la vérité de la légende et dresse avec talent, dans cette biographie sans complaisance, le portrait d'un empereur qui, derrière le mythe, demeure aujourd'hui encore largement méconnu.

Mon avis : Très Bien

Agrégée de lettres classiques et docteur ès lettres, Catherine Salles est professeur émérite de latin et civilisations antiques à l'université Paris X-Nanterre. Elle est l'autrice de nombreux articles et ouvrages consacrés à l'Antiquité, dont Les bas-fonds de l'Antiquité, Lire à Rome, Le grand incendie de Rome, La Rome des Flaviens. Elle fait partie du comité éditorial du magazine Historia.

Si vous prononcez le nom de Néron autour de vous, vous entendrez pratiquement toujours les mêmes réponses : despote, tyran, criminel, assassin, pervers, sadique, monstre, matricide, fou, incendiaire de Rome, mégalomane... Ce portrait à charge, que l'on doit principalement aux historiens Suétone, Tacite et Dion Cassius, a été diffusé et repris à travers les siècles jusqu'à nos jours par le biais d'un nombre impressionnant d'oeuvres, qu'elles soient littéraires, artistiques, historiques, cinématographiques, etc. Comment, tant de siècles plus tard, parvenir à démêler le vrai du faux ?
Ainsi, lorsque cette biographie a été publiée, je me suis dit qu'il était temps pour moi, passionnée d'Antiquité romaine, de faire le point sur le dossier Néron et sa légende noire, et de mettre à jour mes connaissances sur cet empereur si détesté, mais qui m'a toujours intriguée du fait de sa personnalité complexe, tourmentée et extravagante, de sa sensibilité artistique peu commune pour un empereur et de ses antécédents familiaux. Si vous pensez que Néron, cinquième et dernier empereur romain de la dynastie julio-claudienne, n'a été qu'une brute sadique, vous découvrirez en lisant cette biographie que les choses ne sont pas si simples !

En choisissant de découper la vie de Néron en six chapitres chronologiques correspondant à six périodes-clés, Catherine Salles indique ainsi d'emblée que le règne de Néron ne fut pas uniforme, loin de là. Ainsi, après avoir abordé l'environnement familial et son enfance, l'historienne divise le règne de Néron en quatre parties : les débuts prometteurs, les premiers troubles, la démesure et la fin de son règne. L'ensemble s'accompagne de riches annexes : une liste de tous les personnages qui ont côtoyé de près ou de loin Néron, une liste des dieux et des lieux, un lexique, une chronologie et une riche bibliographie. À mon sens, il ne manque qu'une chose : un arbre généalogique. En effet, je ne suis pas certaine que tous les lecteurs connaissent par coeur la généalogie julio-claudienne qui est, il faut l'avouer, un peu complexe !

Son enfance
Né le 15 décembre 37 à Antium, Lucius Domitius Ahenobarbus, plus connu sous le nom de Néron, est le fils de Domitius Ahenobarbus, un homme violent, cruel et arrogant, et d'Agrippine la Jeune, une femme ambitieuse, rusée et dissimulatrice. Élevé par des nourrices et des domestiques – conformément aux habitudes des familles de l'aristocratie romaine –, le jeune Néron grandit dans un environnement instable et inquiétant, favorisant un sentiment d'insécurité et une propension à la peur qui le suivront toute sa vie : privé d'amour maternel et paternel, il évolue au sein d'une cour impériale où règnent les intrigues, le mensonge, l'hypocrisie et la duplicité : complots contre Caligula, exécutions de Livilla, Julie, Messaline et Lollia Paulina, manigances d'Agrippine pour occuper une place de premier plan au sein de la société impériale, assassinat de Claude... Un vrai panier de crabes !
Heureusement, le jeune garçon bénéficie dès sa plus tendre enfance d'une bonne éducation grâce à des professeurs majoritairement grecs, d'où son goût prononcé pour l'hellénisme. Littérature grecque et latine, rhétorique, art de prendre la parole en public, sciences, philosophie... Néron est sans conteste un empereur cultivé, sensible aux arts, qui se considérera avant tout comme un artiste, un chanteur, un citharède, un tragédien ou bien encore un conducteur de chars, cherchant les louanges et les acclamations de son peuple, et c'est bien là le problème, car ce n'est pas cela que l'on attend d'un empereur...

Le quinquennium
Pourtant, le début de son règne – que l'on nomme quinquennium (entre 54 et 59) – se déroule sous les meilleures auspices, grâce à la présence de ses deux conseillers, Burrus et Sénèque, qui épaulent le jeune empereur.
Si, au cours de ces premières années, l'ambitieuse Agrippine la Jeune détient encore dans les faits les rênes du pouvoir, éliminant ceux qui la gênent (Narcisse, Junius Silanus, etc.) et nommant à de hautes fonctions ses protégés (Pallas, Faenius Rufus, Arruntius Stella, etc.), le rapport de force s'inverse petit à petit : l'expérience militaire de Burrus conjuguée au savoir philosophique de Sénèque permettent de venir à bout de la toute-puissance de l'impératrice et d'affirmer le pouvoir et la légitimité de Néron. Sous l'influence bénéfique de ses deux mentors, Néron cherche à établir un Empire modéré, débarrassé des outrances des empereurs précédents et inspiré en grande partie de la politique d'Auguste. Ainsi, tout en prenant des mesures satisfaisantes à toutes les classes sociales et en veillant à soutenir le sénat, Néron met au premier plan le respect des institutions et la moralisation de la vie politique, séparant la maison privée et l'État ; il mène une politique extérieure non offensive et maintient les frontières existantes. Fidèle à la philosophie stoïcienne prônée par Sénèque, Néron fait preuve de clémence et de générosité, le rendant extrêmement populaire auprès du peuple, des sénateurs et des soldats.
Pour résumer, ces premières années correspondent à celles d'un empereur modéré, humain, s'inspirant des instructions de son maître Sénèque : "La clémence est le pouvoir de se maîtriser lorsqu'on a le pouvoir de punir."

Une mère étouffante et ambitieuse
Les choses commencent sérieusement à se gâter lorsque Néron tombe amoureux d'une jeune femme dénommée Claudia Acte, affranchie attachée à la maison d'Octavie. Ne supportant pas que son fils échappe à son emprise, Agrippine la Jeune cherche à le déstabiliser en faisant courir la rumeur selon laquelle elle serait prête à soutenir Britannicus, fils de l'empereur Claude et de Messaline ! Effrayé, Néron tombe dans le piège et, même si un doute persiste, il est très probable que Néron ait ordonné l'assassinat de Britannicus.
Mais Agrippine, bien décidée à frapper fort, ne s'arrête pas là : elle se rapproche d'Octavie, sa bru et soeur de Britannicus ; elle noue des amitiés avec des représentants de grandes familles romaines, des tribuns et des centurions des légions prétoriennes, etc. Néron se met à craindre que sa mère ne soit en train de préparer un coup d'État. Mais Agrippine n'est pas la seule menace : Néron apprend en effet que d'autres complots, vrais ou faux, le visent. Perturbé par toutes ces révélations, l'empereur se sent fragilisé et commence à prendre peur. Pourtant, il parvient dans un premier temps à se maîtriser et se contente de réduire les pouvoirs de sa mère : Agrippine se voit ainsi privée d'un certain nombre de prérogatives et elle doit quitter le palais impérial. Elle entre en quelque sorte en disgrâce. Mise sous surveillance, elle continue pourtant à s'opposer à son fils et la situation empire lorsqu'il noue une relation amoureuse avec Poppée, qui appartient à une famille de la haute aristocratie. C'en est trop, Néron ne supporte plus cette mère jalouse, intrusive et castratrice, qui l'empêche d'exercer pleinement le pouvoir impérial. Il décide alors de se débarrasser d'elle en ordonnant son assassinat en mars 59. La mort d'Agrippine fait ainsi tomber tous les obstacles : Néron est enfin libre, il peut agir à sa guise !
"Elle voulait bien donner l'Empire à son fils, mais elle ne pouvait souffrir qu'il en fût le maître" (Tacite)

Le règne de la démesure (ubris)
C'est, selon Suétone, à partir de ce moment-là que le comportement de Néron bascule irrémédiablement du mauvais côté, il définit même les cinq vices qui le caractérisent : la petulantia (goût de la provocation), la libido (lubricité), la luxuria (goût du luxe), l'avaritia (cupidité) et la crudelitas (cruauté), tout un programme !
Mais c'est en 62 que la situation commence vraiment à dégénérer, après la mort de Burrus et le départ de Sénèque qui, fatigué, préfère se retirer. Ces deux hommes étaient parvenus jusqu'à maintenant à maîtriser le comportement impulsif et anxieux de Néron. Désormais, ce dernier peut laisser libre cours à ses désirs et, encouragé par Tigellin, l'un des nouveaux préfets du prétoire, un ambitieux pervers qui joue sur les peurs constantes de l'empereur, il se débarrasse ainsi de sa femme, Octavie, en juin 62, et de tous ceux qui sont susceptibles de fomenter un complot contre lui. Ces assassinats à répétition ne manquent pas d'inquiéter les plus riches familles de Rome, qui voient certains de leurs membres disparaître au gré des caprices de l'empereur, et de faire naître en leur sein un sentiment de haine à l'encontre de Néron, d'autant que sa politique et son comportement, tel que l'a évoqué Suétone (voir plus haut) commence à heurter le sénat et les classes les plus traditionalistes.
Cette haine trouve son apogée au moment du grand incendie de Rome en juillet 64 lorsque les aristocrates font courir la rumeur que Néron en serait le responsable. Menacé, l'empereur détourne habilement la colère populaire sur les chrétiens qui, par leur impiété, ont provoqué la colère des dieux. Mais il commet dans le même temps une erreur lourde de conséquence : alors que des milliers d'habitants sont plongés dans la misère et la précarité, Néron fait édifier sur les terrains dévastés par le feu un palais incroyable, un chef-d'oeuvre d'inventivité et de beauté, la somptueuse et coûteuse Domus Aurea.

La conjuration de Pison
Si Néron s'est toujours méfié des réactions du peuple, comme en témoigne son attitude lors de l'incendie de Rome, il sous-estime en revanche bien trop celles des classes dirigeantes, qui lui vouent une haine farouche, haine qui va aboutir à la conjuration de Pison en avril 65. Cette conjuration, qui a pour but d'assassiner Néron et de faire acclamer par les prétoriens Pison comme nouveau prince, réunit des hommes issus de différents milieux sociaux (sénateurs, chevaliers, officiers des cohortes prétoriennes, aristocrates, militaires, écrivains...), mais qui partagent la même haine pour cet empereur qui outrage la tradition romaine.
Mais le secret est éventé. Pris de panique en découvrant que certains conspirateurs font partie des plus hautes classes de la société et des cohortes prétoriennes, donc des milieux proches de la cour impériale, Néron réagit de manière démesurée en faisant exécuter une grande partie de l'aristocratie, dont nombre de sénateurs, peu importe qu'ils soient coupables ou innocents. Au terme de cette vague d'exécutions sommaires qui a duré plusieurs mois, pas un Romain n'a été épargné : chaque habitant a au moins perdu un membre de sa famille ou un ami.

La fin du règne
En septembre 66, le complot une fois réprimé dans le sang, Néron décide de partir en Grèce afin de participer à des concours et démontrer ainsi ses talents artistiques au monde entier. Un voyage bien coûteux... En agissant de la sorte, l'empereur rompt ainsi véritablement avec les valeurs romaines et bouleverse l'ordre établi : Néron fait passer son activité d'artiste avant son rôle d'empereur. Pour une grande partie de la société romaine, c'est une véritable provocation, l'outrage de trop. Son absence fait souffler un vent de révolte au sein des armées en Germanie et en Gaule. Alerté par ces complots en germe, Néron finit par rentrer à Rome en mars 68. Mais il est déjà trop tard : excédées par le comportement de leur empereur qui se conduit comme un histrion et par une pression fiscale toujours plus forte pour assouvir ses dépenses somptuaires, la Gaule puis l'Espagne se soulèvent.
Néron découvre alors qu'il n'a pratiquement plus de partisans, à l'exception de quelques affranchis : les sénateurs, les prétoriens, le peuple de Rome, plus personne ne le soutient, même les armées font défection. En manque d'hommes et d'argent pour réprimer cette révolte, il fuit Rome et se réfugie dans la maison de campagne de son affranchi Phaon. Déclaré "ennemi public" par le sénat, Néron se suicide le 11 juin 68 avec l'aide de son affranchi Épaphrodite. Si l'annonce de la mort de Néron a suscité des réactions de joie parmi les sénateurs, les chevaliers et les aristocrates, une partie du peuple ne peut s'empêcher de regretter la mort de cet empereur qui lui a offert distractions et nourriture.

Cette biographie, qui se lit comme un roman, met à plat tous les événements et tous les faits qui ont jalonné la vie de Néron à la lumière des sources lues avec un oeil neuf et critique, le tout remis dans le contexte de l'époque, où, ne l'oublions pas, l'utilisation de la violence était couramment admise pour régler ses différents, et permet ainsi de tordre le cou à certaines idées reçues. Catherine Salles souligne ainsi combien son règne est loin d'avoir été négatif : cultivé, sensible et instruit, Néron a encouragé l'innovation, le développement des arts et de l'artisanat ; il a su préserver la paix aux frontières et au sein de la société... Mais fragile sur le plan psychologique, dominé par une mère autoritaire et manipulatrice, en proie à une peur incontrôlable, Néron est devenu au fil des ans, et surtout à partir du moment où ses deux mentors l'ont quitté, suspicieux, anxieux, inquiet et a fini par perdre le sens des réalités, se rêvant artiste et non plus empereur.
D'une plume fluide, claire, précise et sans complaisance, Catherine Salles nous présente ainsi le portrait objectif et dépoussiéré d'un empereur à la personnalité étonnante, avec ses forces et ses faiblesses, même s'il conserve, et ce pour mon plus grand plaisir, ses zones d'ombre.

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Perrin
Date de parution : juin 2019
Couverture : brochée
Format : 14 cm x 21 cm
Pagination : 288 pages
ISBN : 978-2-2620-6824-0

Livre numérique

Éditeur : Perrin
Format : 7switch : ePub –– Amazon : Kindle –– Decitre : ePub –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– Lisez ! : ePub –– Numilog : ePub

jeudi 20 septembre 2018

Mon oncle de l'ombre. Enquête sur un maquisard breton

Mon oncle de l'ombre
Autrice : Stéphanie Trouillard

Texte de présentation

12 juillet 1944. Des rafales de mitraillettes brisent le silence de l'aube dans une ferme du Morbihan. André Gondet, 23 ans, s'écroule sous les balles au milieu de ses camarades résistants. Ce sanglant épisode marque les habitants des environs au fer rouge. Dans la famille Gondet, la douleur serre la gorge et scelle les lèvres. La souffrance est aussi vive que silencieuse. Soixante-dix ans plus tard, André n'est plus qu'un nom sur un monument aux morts. De lui, il reste seulement un portrait dans un vieux cadre accroché sur un mur de la maison familiale. Une photo qui finit par attirer le regard et la curiosité de l'une de ses petites nièces. Qui était cet homme dont son grand père ne prononçait pas le nom ? Quel était son combat ? Par quoi était-il animé ?

Mon avis : Très Bien

Journaliste à France 24, Stéphanie Trouillard travaille plus particulièrement sur les sujets touchant à l'actualité internationale, au sport et à l'histoire de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. À ce titre, elle a réalisé en 2017 un webdocumentaire "Si je reviens un jour", les lettres retrouvées de Louise Pikovsky, consacré à l'enquête qu'elle a menée autour d'une jeune lycéenne juive morte en déportation. L'histoire tragique de cette jeune fille est d'ailleurs en cours d'adaptation sous forme de bande dessinée (sortie en mars 2020).

André Gondet, cet inconnu...
Le point de départ de cette enquête : la photo d'un jeune homme accrochée sur un mur de la maison familiale en Bretagne. Son nom ? André Gondet. Il s'agit du frère du grand-père de l'autrice, résistant mort le 12 juillet 1944. Une photo, un nom, une date de naissance et une date de décès, rien d'autre. Comme dans nombre d'autres familles ayant vécu la Seconde Guerre mondiale, le silence est alors de mise.

Pourtant, un jour, tout cela va changer. Quelques années après le décès de son grand-père, le père de Stéphanie Trouillard décide de faire l'arbre généalogique de la famille. Pour l'aider, elle se lance alors dans des recherches sur les soldats de sa famille et découvre le nom d'André Gondet. Elle se souvient alors de cette fameuse photo qui l'intrigue depuis son enfance. De lui, il n'existe pas d'autres photos, pas de lettres, pas de papiers. Autour d'elle, personne n'est capable de lui donner le moindre renseignement. Insaisissable, André Gondet est comme un fantôme. Qui était-il ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi son grand-père refusait-il de parler de son frère ? Autant de questions qui ne cessent de tarauder la jeune journaliste passionnée d'histoire. Bien décidée à éclaircir ce mystère, elle se lance alors, telle une détective, dans une longue enquête dont elle ignore encore les tenants et les aboutissants...

Le récit poignant d'une longue enquête
Dans ce livre, Stéphanie Trouillard retrace avec beaucoup de sensibilité et de précision les recherches qu'elles a menées pour exhumer la mémoire de son grand-oncle. De la Bretagne à l'Allemagne, en passant par Paris ou bien encore par Caen, l'autrice nous fait partager ses découvertes, fruits de nombreuses heures de travail en archives, de lectures d'ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale, de recherches sur le web, d'envoi de lettres, d'appels à témoins dans la presse et de rencontres avec les derniers témoins de cette époque. Une enquête qui s'apparente ainsi à une véritable course contre la montre, beaucoup de témoins étant déjà décédés. Les années ont passé, mais les blessures ne sont pas encore refermées, la douleur est encore bien présente dans de nombreuses familles, se transmettant même de génération en génération. Ainsi, certains témoins refusent de parler ; d'autres, d'abord réticents, finissent par libérer leur parole ; d'autres enfin sont heureux de voir que la jeune génération s'intéresse à cette période de l'histoire.

Tout en respectant la position de chacun, Stéphanie Trouillard ne néglige aucune piste et fait preuve d'une ténacité et d'une persévérance incroyables ! Soutenue par sa famille, elle fait face avec beaucoup de force aux moments de découragements, aux pistes qui se transforment en culs-de-sac, aux regrets, aux hésitations, faisant fi des remarques que ceux qui s'intéressent à l'histoire et à la généalogie ont coutume d'entendre : "Un véritable passe-temps de vieux, à la limite du glauque ou du carrément macabre".
Le récit, empreint d'émotions parfois contenues, parfois trop fortes, montre à quel point cette quête l'a remuée, virant parfois à la quasi obsession comme elle l'admet elle-même, tant le besoin de connaître la vérité est fort, avant qu'il ne soit trop tard. D'ailleurs, certains passages évoqueront sans aucun doute des souvenirs à celles et ceux qui ont déjà fait des recherches en ce sens. Ainsi, sa description de ses recherches au Service Historique de la Défense à Vincennes :
"Je suis subitement submergée par une émotion inattendue. Je me rends compte que je vois pour la toute première fois la signature de mon aïeul et que je tiens un document qu'il a lui-même touché, il y a plus de soixante ans. [...] En tenant entre mes doigts ces documents, j'ai l'impression qu'un lien vient de se créer avec cet arrière-grand-père que je n'ai jamais connu, comme s'il me passait maintenant le flambeau, le devoir d'être la gardienne de leur passé. [...] Dans la salle Louis XIV, je baisse les yeux. Les larmes brouillent mon regard ; mes mains sont moites ; mon coeur bat à toute vitesse. Je n'ose même plus toucher les papiers de peur de les abîmer. Tout se bouscule dans ma tête."
Par expérience, je confirme que consulter un dossier de résistant au Service Historique de la Défense, un dossier qui n'a peut-être jamais été ouvert avant vous, c'est comme créer ou renouer un lien avec la personne disparue, comme si vous vous étiez donné rendez-vous, un rendez-vous hors du temps.

Une histoire familiale, l'histoire d'un pays occupé
Malgré les obstacles, petit à petit, avec patience, minutie et rigueur, Stéphanie Trouillard effectue un véritable travail de fourmi : elle récolte et rassemble les documents et les témoignages qu'elle parvient à récupérer, les étudie, les classe et les font parler. D'ailleurs, un cahier en fin d'ouvrage rassemble quelques-uns de ces documents – portraits, cartes, archives – qui permettent de mettre des visages sur les noms et de bien situer les lieux cités dans l'ouvrage.
Grâce à ce long travail d'enquête et d'analyse, elle va parvenir à retracer le parcours de ce grand-oncle, un jeune homme bon vivant et volontaire qui, pour fuir le STO, s'est engagé dans la Résistance. Traqué par les soldats allemands et les miliciens, dont Zeller, Munoz et Gross, André Gondet est exécuté le 12 juillet 1944 à l'âge de 23 ans dans une ferme à Plumelec (Morbihan) avec d'autres résistants, des parachutistes SAS et les fermiers qui les avaient accueillis.
Mais, à travers cette enquête, l'autrice nous dévoile plus largement toute une partie de l'histoire de la Résistance en Bretagne et même toute une page de l'histoire de France, l'Occupation, la collaboration, la Résistance, le STO, etc. Mais jamais elle ne perd le fil conducteur de son récit, l'histoire de son grand-oncle.

Au terme de ce récit émouvant, bien documenté et à l'écriture précise, vive et enlevée, André Gondet n'est plus un fantôme. Sorti de l'oubli, il a pleinement repris sa place au sein de la famille et a reçu le 9 février 2019 la médaille de la Résistance française à titre posthume. Ce livre et cette médaille sont sans aucun doute le plus bel hommage que l'on pouvait lui rendre. Mission accomplie pour sa petite-nièce !

♜ ♜ ♜ ♜ ♜ ♜

En conclusion
Points forts :
  • Un ouvrage sur la Seconde Guerre mondiale mais qui aborde cette période sous un angle particulier, très personnel : celui du parcours d'un résistant tombé dans l'oubli.
  • Un récit qui s'apparente à une véritable enquête policière, avec plein de pistes, de culs-de-sac, d'incertitudes, d'interrogations...
  • Un style dynamique et précis, mais également empreint de sensibilité et d'émotion.
  • Un récit très vivant, dans lequel le lecteur a la sensation d'être aux côtés de l'autrice et de partager toutes ses joies et ses déconvenues.
  • Un ouvrage qui offre de nombreuses pistes de recherche pour les personnes désireuses de retracer le parcours d'un résistant.

Points faibles :
  • Un récit très personnel qui pourrait décontenancer les personnes davantage habituées à des récits plus distanciés, plus neutres.

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Skol Vreizh
Date de parution : septembre 2018
Couverture : brochée
Format : 15 cm x 21 cm
Pagination : 280 pages
ISBN : 978-2-3675-8089-0

jeudi 13 septembre 2018

Les enquêtes de Léandre Lafforgue. Tome 1 : L'oeil du Goupil

L'oeil du Goupil
Auteur : Sylvain Larue

Texte de présentation

1848. La France vient de chasser son dernier roi, et à Paris, la République nouvelle-née se construit au jour le jour. Dans ce climat de tensions politiques, tandis que se préparent au loin les élections du premier Président, plusieurs décès endeuillent les sièges du Palais-Bourbon. Accidents ou maladies ? Quoi qu'il en soit, la police ne semble pas y prêter une grande attention.
Au même moment, fraîchement débarqué de sa Gascogne natale, un jeune homme épris de liberté et d'idéal, se retrouve involontairement mêlé à ces affaires, puis convié par le futur prince-président Napoléon à en trouver la trame commune.
Il va ainsi devenir "le Goupil" et faire preuve de tout son talent... Sa sagacité sera-t-elle suffisante pour déjouer ce mystère ?

Mon avis : Très Bien

L'auteur
Passionné par l'étude du monde criminel, Sylvain Larue a déjà publié plusieurs livres consacrés aux grandes affaires criminelles françaises. Avec ce premier roman, premier tome d'une série intitulée "Les aventures de Léandre Lafforgue", il décline cette passion sous l'angle de la fiction policière.

La couverture
Juste un tout petit mot pour souligner la qualité de la couverture : l'image – peu importe si elle représente une scène se déroulant en 1870 et non en 1848, car l'atmosphère de l'époque est bien évoquée –, les polices, les couleurs et la mise en page sont le fruit d'un travail soigné et, détail qui n'en est pas un, le toucher "peau de pêche" constitue un vrai plus, apportant une douceur agréable au livre.

Un prologue décapant !
Angoisse, frissons et curiosité sont au rendez-vous dès les premières pages. En effet, de manière inattendue, le début du roman démarre sur les chapeaux de roue ! J'ai rarement vu un roman débuter aussi vite et franchement j'ai adoré !
Dans le même temps, j'ai vraiment eu peur que la suite du roman ne parvienne pas à maintenir ce rythme et ce suspense endiablés...

Un style dynamique !
L'intrigue, le rythme et le style sont parfaitement coordonnés, permettant au lecteur d'être emporté dans une course haletante, avec tout de même quelques moments de répit appréciables, jusqu'au dénouement final superbement maîtrisé.

Grâce à son style alerte, tonique, précis et son écriture puissante et évocatrice, l'auteur n'a nul besoin d'user de longues descriptions pour produire en nous une sourde angoisse, une inquiétude latente, renforcées en cela par le fait que nous suivons le héros dans ces découvertes, sans en savoir plus que lui, comme si nous étions à ses côtés. L'auteur alterne dialogues et descriptions avec une fluidité déconcertante, rendant la lecture vraiment agréable sans que l'esprit ne s'égare ailleurs.

L'utilisation de mots parfois tombés en désuétude ou dont le sens a changé aujourd'hui enrichit le roman – des notes explicatives figurent alors en bas de page – et renforce la sensation d'un travail de documentation et d'écriture soigné et rigoureux.

Un héros sympathique
Léandre Lafforgue, jeune provincial habitant le Gers, rejoint en 1848 la capitale dans l'espoir d'y découvrir l'identité de son père et de le retrouver. Involontairement mêlé à une série de crimes qui touchent les députés du Palais-Bourbon, notre jeune héros va mener l'enquête tout en poursuivant sa quête personnelle.

L'association de ces deux intrigues, l'une policière et angoissante, l'autre personnelle et touchante, est vraiment originale et l'auteur parvient à les mener de front sans jamais que l'une prenne le pas sur l'autre, l'équilibre est parfaitement respecté. D'ailleurs, la symétrie entre la montée en puissance de la première intrigue en début de roman et celle de la seconde intrigue en fin de roman est saisissante et géniale, d'autant plus que si l'une est résolue à la fin du roman, l'autre ne l'est pas et la chute du roman laisse présager une suite passionnante !
Nous en saurons alors davantage sur les origines de Léandre Lafforgue, ce qui nous permettra peut-être de découvrir les fragilités du héros, qui reste un peu trop parfait et sûr de lui à mon goût, surtout quand il se trouve aux côtés de l'inspecteur principal Rodolphe Issy-Volny, personnage particulièrement gratiné avec ses "aboiements de roquet teigneux" ! Même si le côté caricatural de ce personnage est un peu poussé, il est vraiment bien exploité comme dans les pièces de théâtre des boulevards et l'on sent combien l'auteur s'est amusé avec ce personnage, comme avec celui de la terrible marâtre, la tante Hermance. Amusement mais aussi tendresse et affection avec les personnages d'Eustache et de sa mère Manon.

Un contexte historique tumultueux
Sachant que la vie politique au XIXe siècle est extrêmement complexe et ne m'attire pas vraiment, j'avais toutes les raisons de craindre l'ennui et, même plus, de me retrouver perdue d'autant que ne figure pas de note en début de roman sur le contexte historique.
Finalement, Sylvain Larue est un très bon vulgarisateur et il parvient, par le biais de l'enquête menée par Léandre pour le compte du prince Bonaparte, à nous présenter cette période de l'histoire avec aisance et clarté, nous restituant toute l'atmosphère de l'époque, faite d'exaltation et d'espoir mais aussi d'inquiétudes et de ruses, car tout est bon pour parvenir à ses fins, aussi bien pour les meurtriers que pour ceux qui rêvent de conquérir le pouvoir. Défilent sous nos yeux toute une galerie de personnages historiques dont on a parfois oublié le rôle durant cette période agitée : Thiers, Ledru-Rollin, Cavaignac, Lamartine, Bugeaud... En effet, sous la pression du peuple (révolution française de 1848), le roi Louis-Philippe est contraint d'abdiquer, c'est la fin de la Monarchie de Juillet. La Seconde République est instaurée dans un climat de tensions politiques puisque des élections vont avoir lieu pour élire le premier président qui sera Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, jugé comme facilement manipulable par les députés... idée fausse, comme la suite de l'Histoire le démontrera et comme le montrer aussi ce roman qui lève le voile sur le caractère bien trempé, rusé et ambitieux de Charles-Louis-Napoléon Bonaparte. Ce roman m'a vraiment donné envie de me documenter sur cette période, pourtant ce n'était pas gagné !

Parallèlement, l'auteur nous fait découvrir un Paris disparu, un Paris parfois inquiétant, avant les grands travaux du baron Haussmann, avec ses rues coupe-gorge, ses ruelles sombres, ses terrains vagues sinistres, sa morgue, ses prisons… Mais un Paris pas suffisamment présent. En effet, tout est si clair et si bien présenté qu'on en vient à regretter que l'auteur n'ait pas apporté un peu plus d'informations et de descriptions. En effet, il ne manque pas grand-chose, juste un cran de plus pour arriver à un parfait équilibre entre la fiction et le côté documentaire, qui reste légèrement en retrait, comme si l'auteur s'était un peu retenu, de crainte d'ennuyer le lecteur. Les passages qui détaillent certains lieux, comme la morgue, la Bibliothèque nationale ou le Muséum national d'Histoire naturelle, sont vraiment très intéressants et j'en redemande ! L'écriture et le scénario sont d'une telle qualité que je suis persuadée que ce roman aurait pris encore plus de relief, un côté encore plus réaliste, avec des descriptions plus précises et plus fréquentes.

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En conclusion
Points forts :
  • Un contexte historique peu abordé dans le cadre d'un roman policier historique.
  • L'existence de deux intrigues menées en parallèle et de très belle manière : une enquête policière originale et une quête personnelle des origines.
  • Une bonne gestion du rythme, plutôt soutenu, avec quelques moments de répit.
  • Une belle galerie de personnages, tantôt réels, tantôt fictifs.

Points faibles :
  • Un héros un peu trop parfait à mon goût.
  • Un décor qui pourrait davantage être approfondi.
  • Des personnages parfois un peu trop caricaturaux.

Merci aux Éditions De Borée !

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : De Borée
Date de parution : septembre 2016
Couverture : brochée
Format : 10,9 cm x 17,8 cm
Pagination : 512 pages
ISBN : 978-2-8129-2343-2

Livre numérique

Éditeur : De Borée
Format : 7switch : ePub ou Mobipocket –– Amazon : Kindle –– Decitre : multiformat –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– NeoBook : ePub

mardi 28 août 2018

L'Empire romain par le menu

L'Empire romain par le menu
Auteur : Dimitri Tilloi-d'Ambrosi

Texte de présentation

Préférez-vous les langues de flamants roses, la laitance de murène, les glandes de sanglier, les têtes de perroquets, ou une mono-diète à base de fèves ? De l'orgie à l'ascétisme, des plantes miraculeuses aux régimes stricts et jusqu'à la diététique, la diversité et le génie gastronomique romain continuent de hanter notre imaginaire et de nourrir notre quotidien.
Nos préoccupations actuelles ne datent pas d'hier : déjà sous l'Empire, les Romains faisaient grand cas de la provenance des aliments, de leurs vertus médicinales et de leur exotisme.
Cet ouvrage redonne vie à ce monde disparu et nous invite dans l'intimité des citoyens romains, sur les marchés, dans les cales des vaisseaux parcourant la méditerranée, sous la tente des soldats, dans les riches demeures des philosophes ou des empereurs.
"Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es" : l'Empire Romain comme vous n'y avez jamais goûté.

Mon avis : Très Bien

Est-il possible de parler de gastronomie romaine sans ennuyer la terre entière ? Oui ! Cependant, je vous préviens, il ne s'agit pas d'un roman historique, mais d'un livre d'histoire. En effet, je lis très régulièrement en parallèle des livres d'histoire, car l'histoire me passionne et cela me permet aussi d'affiner mes connaissances, de rester informée de l'actualité, des découvertes, etc. Et là, j'aimerais vous parler d'un ouvrage qui m'a beaucoup plu, publié récemment par Dimiti Tilloi d'Ambrosi, agrégé d'histoire, spécialiste de l'Antiquité et enseignant à l'université Lyon III : "L'Empire romain par le menu" (éditions Arkhê).

Comme l'indique en préface Yann Le Bohec, les historiens ont longtemps privilégié quatre grands domaines d'étude : la politique, l'économie, la société et la religion, délaissant un vaste champ d'investigation, celui de la vie quotidienne. Mais, depuis quelques années, des historiens se sont plongés dans l'étude de cette thématique, renouvelant, complétant et affinant nos connaissances historiques. Et c'est le cas de Dimiti Tilloi d'Ambrosi qui a orienté ses recherches sur l'alimentation, la diététique et la médecine à l'époque romaine.

Que mangeaient les Romains ? comment ? où ? quand ? pourquoi ? avec qui ? dans quelles circonstances ? L'auteur répond à toutes ces questions et à bien d'autres, tordant le cou par la même occasion à certaines idées reçues – à titre d'exemple, sachez que le sanglier était peu prisé des Gaulois, que la viande occupait une place bien moins importante que les produits végétaux dans l'alimentation des Romains et je ne vous parle même pas des orgies qui allaient à l'encontre de l'idéal romain fait de maîtrise de soi. Car, à travers l'étude de la gastronomie romaine, c'est tout un monde qui revit sous nos yeux, c'est une véritable plongée dans l'intimité des Romains et de leurs rapports sociaux, à la découverte de leurs préférences culinaires, leurs croyances, leurs traditions, leurs moeurs, etc.

L'auteur a pris soin de toujours étayer son propos par des exemples, comme l'évocation de sites archéologiques ou la présentation d'extraits littéraires. Un cahier central en couleurs permet d'ailleurs d'avoir quelques exemples de fresques et de mosaïques sous les yeux, je regrette juste que cet encart ne soit pas plus conséquent ; de même quelques schémas auraient pu être utiles, par exemple sur l'agencement des pièces d'une maison romaine ou l'organisation du triclinium. Enfin, l'auteur fait régulièrement de judicieux parallèles avec notre période actuelle (végétalisme, diététique, médecine, etc.), extraits d'oeuvres philosophiques antiques à l'appui, permettant de prendre un peu de hauteur et de réfléchir sur certaines modes ou pensées actuelles.

Conjuguant tout à la fois l'érudition et la rigueur de l'historien et un style fluide et clair, Dimiti Tilloi d'Ambrosi nous offre ici un ouvrage brillant, concis, très bien documenté et, surtout, accessible à tous : ce livre se lit très facilement, comme un roman ! Personnellement, je me suis régalée et j'en reprendrais bien un peu, je suis gourmande !

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Arkhê
Date de parution : octobre 2017
Couverture : brochée
Format : 14 cm x 20,6 cm
Pagination : 232 pages
ISBN : 978-2-9186-8236-3

jeudi 30 novembre 2017

L'échange des princesses

L'échange des princesses
Autrice : Chantal Thomas

Texte de présentation

En 1721, Philippe d'Orléans est Régent, dans l'attente que Louis XV atteigne la maturité légale. L'exercice du pouvoir est agréable, il y prend goût. Surgit alors dans sa tête une idée de génie : proposer à Philippe V d'Espagne un mariage entre Louis XV, âgé de 11 ans, et la très jeune Infante, Maria Anna Victoria, âgée de 4 ans – qui ne pourra donc enfanter qu'une décennie plus tard. Ce laps de temps permet l'espoir d'un "malheur" qui l'assiérait définitivement sur le trône de France… Et il ne s'arrête pas là : il propose aussi de donner sa fille, Mademoiselle de Montpensier, comme épouse au jeune prince des Asturies, futur héritier du trône d'Espagne, pour conforter ses positions.
La réaction à Madrid est enthousiaste, et les choses se mettent vite en place. L'échange des princesses a lieu début 1722, en grande pompe, sur une petite île au milieu de la Bidassoa, la rivière qui fait office de frontière entre les deux royaumes. Tout pourrait aller pour le mieux. Mais rien ne marchera comme prévu. Louis XV dédaigne l'Infante perdue dans l'immensité subtile et tourbillonnante du Louvre et de Versailles ; en Espagne, Mademoiselle de Montpensier ne joue pas le jeu et se refuse à son mari, au grand dam de ses beaux-parents Philippe V et Elisabeth de Farnèse.
À la fin, un nouvel échange a lieu, beaucoup plus discret cette fois : chacune des princesses retourne dans son pays…

En complément



  • Ce roman a été adapté au cinéma par Marc Dugain (sortie : 27 décembre 2017) :


Mon avis : Très Bien

Roman lu dans le cadre de l'opération Masse Critique Babelio. Je remercie Babelio et les éditions Points de m'avoir sélectionnée et envoyé ce roman.

L'histoire
1721. Depuis la mort de Louis XIV en 1715, Philippe d'Orléans exerce la régence, Louis XV étant trop jeune pour régner. Soucieux d'asseoir son pouvoir et de mettre un terme au long conflit entre la France et l'Espagne, le régent propose à Philippe V d'Espagne un mariage croisé : Anna Maria Victoria de Bourbon, infante d'Espagne alors âgée de 3 ans, épouserait Louis XV, 11 ans, tandis que Louis, prince des Asturies âgé de 14 ans et futur roi d'Espagne, épouserait la fille de Philippe d'Orléans, Louise Élisabeth (Mademoiselle de Montpensier), âgée de 12 ans. L'accord conclu, cet "échange des princesses" a lieu en 1722 sur l'île des Faisans, au milieu de la rivière frontalière de la Bidassoa, chacune rejoignant alors un royaume et une cour qui leur est étrangère. Mais ces deux mariages tournent rapidement au fiasco et les princesses sont renvoyées vers leur pays respectif en 1725.

Une chronique mêlant cruauté et compassion
À la manière d'un chroniqueur du XVIIIe siècle, Chantal Thomas nous raconte dans ce roman cette histoire ahurissante et pourtant véridique. Une chronique cruelle dans un style élégant et sobre, mêlant ironie et compassion. S'appuyant sur la correspondance entre les différents protagonistes des deux cours (Élisabeth Farnèse, Philippe V, Louis Ier, Louise Élisabeth, Madame de Ventadour...), Chantal Thomas entremêle quelques extraits de lettres et sa fiction pour donner plus de poids, de gravité et de réalisme à son roman. La lecture de ces documents se révèle parfois compliquée car les lettres sont retranscrites dans la langue de l'époque, bien différente de la nôtre, donc parfois difficilement déchiffrables et compréhensibles, freinant par là même la lecture.
Un seul petit regret : à force de se concentrer sur le destin de ces deux petites princesses, l'auteur en oublie tout le contexte historique, les événements, comme si l'on était en vase clos (réformes économiques, jeux d'alliances, jansénisme...).

Deux beaux portraits psychologiques
L'alternance des chapitres consacrés à chacune des deux cours nous permet de suivre simultanément l'évolution des deux jeunes filles pourtant si éloignées à tous points de vue, nous offrant par là même deux beaux portraits psychologiques. Si Anna Maria Victoria, pleine de charme, insouciante et gaie, fait l'unanimité au sein de la cour, il n'en va pas de même avec Louise Élisabeth qui refuse dans un premier temps de paraître à la cour. De la même façon, si Anna Maria Victoria est fortement éprise de Louis XV, Louise Élisabeth ne porte aucun intérêt à son futur époux. Mais, coupées de leurs racines familiales et entourées d'inconnus, elles vont toutes deux se heurter à la violence et à la dureté de la cour. Madame Palatine résume parfaitement la situation, s'adressant à Anna Maria Victoria (page 186) : "[...] vous êtes exceptionnelle, Madame. Sans que cette conscience de votre mérite vous rende arrogante, ne laissez pas des médiocres vous humilier et vous faire douter de vous-même. La Cour est une mécanique effroyable. Comme toutes les princesses étrangères qui arrivent, j'ai été fêtée, puis maltraitée, calomniée, blessée. Au début nous sommes jeunes, amusantes, certaines d'entre nous sont jolies, la Cour nous caresse, a l'air de nous aduler. En fait, vampire sournois, elle nous pompe le sang. Les grossesses font le reste. La jeune épousée n'est bientôt plus qu'une pauvre chose qui traîne et qu'on oublie."

Des cours bien différentes
Si Philippe d’Orléans est surtout réputé pour son libertinage et ses moeurs très libres, la cour d'Espagne se caractérise par une austérité extrême. Aussi, l'accueil de la petite Louise Élisabeth est glacial, surtout de la part de l'ambitieuse reine Élisabeth Farnèse, seconde épouse de Philippe V. Un symbole qui plante le décor : en guise de comité d'accueil, on lui fait assister à un autodafé d'hérétiques ! Ayant reçu une éducation peu soignée, elle ne sait comment se comporter, a du mal à se plier à la rigueur de la cour et finit par se renfermer sur elle-même. Malgré l'attention que lui porte le maladroit Louis Ier, il est déjà trop tard : isolée, incomprise, scrutée par une cour qui ne lui veut pas forcément que du bien, elle finit par sombrer dans une semi-folie, alternant boulimie, alcoolisme et crises durant lesquelles elle déambule nue dans le palais. À la mort de Louis Ier en 1724, alors que Philippe d'Orléans est mort en 1723, Philippe V décide de renvoyer en France cette veuve de la maison d'Orléans devenue bien inutile. Anna Maria Victoria a un peu plus de chance puisqu'elle est choyée par madame de Vendatour, provoquant par là même la jalousie de Louis XV, et appréciée de Madame Palatine. Mais Louis XV est un être mélancolique, triste et secret, marqué par de nombreux deuils ; il ne supporte pas la gaieté, la joie de vivre et la tendresse à son égard de ce bébé, même si celui-ci fait preuve d'une maturité stupéfiante pour son âge. En raison de ce jeune âge, Anna Maria Victoria ne sera pas en mesure d'avoir des enfants avant de nombreuses années, aussi le duc de Bourbon, premier ministre de Louis XV, décide-t-il de rompre les fiançailles et de la renvoyer en Espagne. Madame de Ventadour résume parfaitement l'union d'Anna Maria Victoria et de Louis XV (p. 302) : "Elle voit ce qui est : une petite fille électrisée d’amour pour un garçon crispé d'antipathie, une romance conjugale à sens unique favorisée pour masquer le cynisme d'un arrangement politique. « La barbarie à sourire polis » se dit la marquise [...]".

Un univers sans pitié pour les enfants
À travers ce roman, Chantal Thomas nous dévoile combien la vie n'était pas tendre pour les enfants d'ascendance royale. Certes, elle ne l'était pour aucun enfant à cette époque, mais ces enfants royaux sont considérés par les adultes comme des marchandises, des pions, des pantins qu'on peut manipuler et déplacer à l'envi sans se préoccuper le moindre instant de leurs sentiments.
"Alors la mort fauchait à tour de bras. À la moindre faiblesse elle accourait. À cause de cette faux monumentale suspendue au-dessus de soi, on ne perdait pas une minute. Il n'y avait pas de temps pour les incertitudes et les lents apprentissages. Pas de temps pour l'adolescence, cette sorte de terrain vague de l'expérience. La chance aidant, on passait directement des traquenards de la faiblesse infantile à l'âge adulte avec ses deux tâches majeures : travailler, se reproduire. Travailler : pour les pauvres il suffisait que l'enfant soit capable de se tenir debout. Se reproduire : pour les pauvres comme pour les riches, c'était à la nature de décider." (page 137)
L'auteur décrit avec cynisme et réalisme, d'une plume acérée mais toujours élégante, cette brutalité et cette inhumanité dont sont victimes ces deux princesses, tout cela pour des raisons politiques. D'ailleurs, l'éditeur a réussi à traduire cet état de fait en couverture en choisissant de ne reproduire qu'une partie du portrait d'Anna Maria Victoria par Alexis Simon Belle, en ne montrant qu'une partie de son corps, masquant sa tête... un corps impersonnel.

Babelio
Editions Points

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Points
Date de parution : novembre 2017
Couverture : brochée
Format : 11 cm x 18 cm
Pagination : 336 pages
ISBN : 978-2-7578-6986-4

Livre numérique

Éditeur : Seuil
Format : 7switch : ePub ou PDF –– Amazon : Kindle –– Decitre : ePub ou PDF –– ePagine : ePub –– Fnac : ePub –– Numilog : ePub ou PDF