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mercredi 1 septembre 2021

Le dernier tribun

Le dernier tribun
Auteur : Gilles Martin-Chauffier

Texte de présentation

Nous sommes à Rome, juste à l'heure où elle va dominer le monde, au temps de César.
C'est la capitale du monde, une ville immense et monstrueuse où s'observent et se haïssent Crassus, Cicéron, Catulle, Pompée, César ou Caton.
Spartacus vient d'être tué, Cléopâtre est en ville, l'ambition et la violence sont en ménage, l'art et le sexe s'entendent comme la vis et l'écrou.
Tous les vices qui rendent la vie irrésistible s'épanouissent quand les vertus qui la rendent pénible s'évanouissent.
Cicéron a fait de la morale son fonds de commerce, se présentant comme la voix du peuple alors qu'il est un défenseur acharné du Sénat et des intérêts de l'aristocratie.
Publius Claudius Pulcher, héritier de la famille la plus noble de Rome, se fait adopter par un esclave, change son nom en Clodius, se fait élire tribun de la plèbe et chasse Cicéron de Rome.
Cicéron prend le parti de Pompée, Clodius celui de César. La guerre entre eux dura dix ans et la République n'y survécut pas.
Leur lutte est racontée ici par un philosophe grec, Metaxas, l'ami le plus brillant et le plus sarcastique de Clodius qui le fait venir d'Athènes à Rome pour lui écrire les discours qui lui permettront d'affronter Cicéron à armes égales dans des joutes oratoires où il oppose la démocratie réelle de Clodius à la démocratie formelle de son adversaire.
Metaxas tombe sous le charme de cette ville merveilleuse, accueillante, féminine et effrayante. Puis il va découvrir le sort des capitales qui règnent sur le monde : quand elles n'ont plus d'ennemis étrangers à leur mesure, elles se suicident.
Voici ses Mémoires, qui racontent la chute de la République romaine et la mort de Cicéron.

En complément


Mon avis : Excellent !

Par Jupiter, bonne pioche ! Je manifeste mon étonnement car les bons romans consacrés à l'Antiquité sont rares... Ne connaissant pas l'auteur, j'ai pris ce roman sans trop me faire d'illusions, mais j'avais tellement envie de me plonger dans l'histoire de la Rome antique que j'étais prête à prendre le risque d'être déçue. Un risque d'autant plus élevé que ce roman se déroule non pas sous l'Empire romain, période privilégiée des romanciers, mais à la fin de la République romaine, au Ier siècle avant J.-C. C'est bien moins glamour... mais tellement passionnant !
Le peuple ne déteste pas l'injustice. Il la sait inévitable. Ce qu'il ne supporte pas, c'est le mépris des élites qui se réservent tous les privilèges mais prétendent en plus incarner la vertu républicaine.
À travers le point de vue du philosophe grec Metaxas (personnage fictif), vous allez découvrir comment les plus hauts personnages politiques de cette époque se sont affrontés, verbalement le plus souvent, mais parfois physiquement, pour prendre le pouvoir. Vous y croiserez notamment César (bon, lui, il sort de scène rapidement...), Crassus, Pompée, Marc-Antoine, Octave... Mais ces hommes ne seraient rien sans leurs plumes ! Face à Cicéron qui a pris le parti de Pompée, Clodius fait appel à Metaxas, et ces deux hommes vont se combattre au cours de joutes oratoires mémorables ! Vous ne voyez là que des noms d'hommes ? Que nenni, les femmes sont également bien présentes : Fulvia, épouse de Clodius, Clodia, soeur de Clodius, Diana Metella (personnage fictif), tante de Clodius, pour ne citer qu'elles et autant vous dire qu'elles ne sont pas des potiches, bien au contraire !
Comparer Cicéron à Platon, Diogène, Héraclite ou Pythagore, c'est observer une goutte d'eau à côté d'une perle. Il s'est contenté de les relire, de cocher leurs meilleures formules et de les paraphraser. Un vrai travail d'usurier et, à l'arrivée, un recueil de pensées passe-partout qui hisse l'idéal humain au niveau d'une sagesse de vieille dame : ne rien désirer outre-mesure, trouver les ressources en soi, ne pas dépendre des autres, ne pas faire à autrui ce que vous souhaitez qu'on ne vous fasse pas...
Sans s'en rendre compte, on apprend énormément de choses sur la vie quotidienne des Romains, leurs mentalités, leurs préoccupations, l'architecture, etc., et donc sur l'histoire de la fin de la République. J'avais une vision purement universitaire de cette histoire, la découvrir sous forme romancée m'a permis de lui donner chair et du volume. D'ailleurs, la narration par le biais du "je", c'est-à-dire par le biais du héros de ce roman, donne au récit un côté vivant et permet une immersion immédiate dans l'univers de la Rome antique, tout prend vie sous sa parole.

Et bien que l'on connaisse la fin de l'histoire, Gilles Martin-Chauffier parvient à mettre en place un certain suspense et à le maintenir jusqu'à la fin du roman, notamment grâce à un style alerte (et parfois incisif que j'ai vraiment apprécié, montrant à quel point l'auteur maîtrise son sujet) et à une habile mise en scène des rebondissements, annonciateurs de la chute de la République.
Personne n'a assassiné la République, elle s'est suicidée. De Catalina à César et de Publius à Marc-Antoine, Cicéron peut bien avoir désigné cent fois ses meurtriers au Sénat, c'est son poignard à lui qu'elle s'est enfoncé dansle coeur. Une fois débarrassé de Marius, Sylla avait dit qu'un roi valait mieux qu'une mauvaise loi. Jamais Cicéron ne voulut l'admettre et il refusa jusqu'au bout de réformer un État injuste. Il préférait la guerre civile à l'amendement des institutions. Pompée fut son premier glaive, Octave le second.
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En conclusion
Points forts :
  • La période traitée : la fin de la République romaine.
  • Un contexte historique retranscrit sans aucune lourdeur.
  • Un angle original, celui des orateurs avec de belles joutes verbales.
  • La découverte de Cicéron sous un autre jour (Cicéron a fait l'objet de plusieurs romans de Robert Harris).
  • Un style alerte et parfois incisif, manié avec une grande finesse.

Points faibles :
  • Malgré ses 336 pages, le roman m'a semblé court !
  • J'aurais aimé que l'auteur rentre davantage dans le détail, j'ai parfois eu la sensation qu'il survolait certains événements, les réactions ou les sentiments de certains personnages (mais cela aurait peut-être rendu l'ensemble peu digeste ?).

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Grasset
Date de parution : septembre 2021
Couverture : brochée
Format : 14,5 cm x 20,5 cm
Pagination : 336 pages
ISBN : 978-2-2468-2868-6

Livre numérique

Éditeur : Grasset
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