Auteur : Harold Cobert
Texte de présentation
L'histoire incroyable mais vraie de la publication de
Mein Kampf en France.
1934.
Mein Kampf, le manifeste d'Adolf Hitler, rencontre un immense succès en Allemagne et dans le monde. Pourtant, en France, on n'en connaît que des extraits et, sa traduction ayant été interdite par le Führer lui-même, le texte entier reste inédit.
Que peut bien contenir
Mein Kampf pour que les Français ne soient pas autorisés à le lire ? Tandis que Hitler prône une paix durable entre la France et l'Allemagne, certains soupçonnent des desseins plus sombres derrière ces belles paroles.
Face à cette interdiction de publier, une improbable coalition se forme : des anciens combattants proches de l'Action française et des militants de la cause juive — ennemis politiques que pourtant tout oppose — unissent leurs forces pour révéler au grand jour les véritables intentions du Führer.
Le Procès Mein Kampf raconte avec brio la folle épopée de la publication de ce texte en français et du retentissant procès qu'elle a entraîné, portée par le flamboyant avocat Philippe Lamour.
Mon avis : Excellent !
En découvrant ce roman en librairie, quelle n'a pas été ma surprise !
Spécialiste de Mirabeau à qui il a consacré une thèse de Lettres, Harold Cobert est l'auteur entre autres de
Le Rouge et le Blanc,
Belle-Amie,
Dieu surfe au Pays basque,
L'entrevue de Saint-Cloud. Certes,
Le Rouge et le Blanc lui a déjà permis d'explorer l'histoire du XXe siècle (en Russie), mais ses romans se déroulent habituellement plutôt au XVIIIe siècle ou au XXIe siècle. Surtout, il n'avait jusqu'à maintenant jamais abordé dans ses romans le nazisme et l'antisémitisme.
Comme l'indique Harold Cobert à la fin de son roman, il souhaitait écrire autour de ces thématiques depuis de nombreuses années, mais il ne trouvait pas le bon angle, celui qui permet "à l'Histoire de tendre un miroir saisissant, voire dérangeant, à notre époque et à notre actualité." C'est en travaillant sur l'intrigue et les personnages de son précédent roman,
Le Rouge et le Blanc, qu'il a croisé la route de l'Allemagne nazie, d'Hitler et de
Mein Kampf et qu'il est tombé sur cette incroyable mais véridique histoire, le procès intenté en 1934 par le chancelier Hitler contre les Nouvelles Éditions Latines.
Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?!
Mein Kampf a été écrit par Hitler en 1924 alors qu'il purgeait une peine de prison après sa tentative de putsch raté à Munich en 1923. Publié dès 1925, ce manifeste idéologique est rapidement devenu un best-seller en Allemagne et a même été traduit dans plusieurs pays, sauf en France ! En effet, le chancelier allemand s'oppose alors à une édition en français. Hum, étrange ! C'est ce que se sont dit une poignée d'hommes que tout oppose et qui pourtant vont s'allier pour publier illégalement une édition intégrale de ce livre, afin d'alerter l'opinion publique du danger que représente Hitler et de ses véritables projets.
Qui sont ces hommes ?
On peut distinguer deux "clans" : des membres de l'extrême droite antisémite, proches de l'Action française, et des défenseurs de la cause juive (Ligue internationale contre l'antisémitisme). Incroyable, non ?! En fait, ces hommes ont bien un ennemi en commun, mais pour des raisons différentes. Si les premiers reprochent à Hitler ses intentions belliqueuses, les seconds s'inquiètent de sa haine des juifs. Toujours est-il que ces hommes ont pris de gros risques, mettant leur vie en danger.
Concrètement, c'est André Calmettes qui se charge de la traduction (en fin de livre figure un texte d'André Calmettes : "Pourquoi j'ai traduit
Mein Kampf") et la publication est assurée par l'éditeur Fernand Sorlot des Nouvelles Éditions Latines. Au total, ce sont 5 000 exemplaires qui sortent des presses.
En découvrant cette publication illégale de
Mein Kampf, Hitler entre alors dans une colère terrible et charge son éditeur allemand d'intenter une action en justice pour "contrefaçon" auprès du Tribunal de Commerce de la Seine. C'est là qu'entre en scène Philippe Lamour, brillant avocat, qui prend en charge la défense de Fernand Sorlot. Même s'il sait que la cause est perdue d'avance, il se battra jusqu'au bout, car ce sera selon lui "une défaite judiciaire pour une prise de conscience". Mais c'est plus globalement toute l'atmosphère des années 30 qui défile sous nos yeux, avec ses personnages emblématiques : Fernand de Brinon, André Calmettes, Maurice Vanikoff, Georges Lacaze, Otto Abetz, Joachim von Ribbentrop, Bertrand de Jouvenel...
Un roman à la fois instructif et captivant !
Oui, Harold Cobert est en effet tombé sur une belle pépite, un fait historique méconnu et puissamment romanesque ! Mais cela ne suffit pour faire un "bon livre". C'est un peu comme une recette de cuisine : au départ, vous avez un plat qui semble génial, mais suivant la personne qui réalisera la recette, le résultat ne sera pas le même. Et ici, nous avons un grand chef !
Tout d'abord, l'auteur s'est appuyé sur une riche documentation – dont on a un aperçu à la fin du roman sous forme d'extraits de journaux, d'archives judiciaires et d'une bibliographie. Mais il a pris le temps de bien l'assimiler et la digérer pour l'intégrer avec finesse et par petites touches dans son récit conçu de manière millimétrée, maniant à la perfection l'alternance des temps de narration et du dialogue, et instillant aux bons moments suspense et rebondissements. Même si l'on pressent ce qu'il va se passer, le doute – l'espoir – persiste jusqu'à la dernière page, maintenant le lecteur en haleine.
Le tout est accompagné et soutenu par une plume fluide, vive et tonique, parfaitement bien adaptée au sujet, le procès. En effet, dès qu'apparaît l'avocat Philippe Lamour, le récit s'envole et prend toute son ampleur : ce personnage passionné, entier, talentueux, plein d'humour et cultivé nous subjugue et nous emporte tant son enthousiasme et son courage sont communicatifs. Il est une vraie bouffé d'air et, avec lui, on a envie d'y croire ! Bien que toujours en retard, laissant à penser qu'il est tête en l'air et peu sérieux, il est en réalité un brillant et astucieux avocat, qui mène le procès comme une partie d'échec, anticipant ou parant chaque coup sans jamais se décourager. Comme je travaille dans le milieu de l'édition, j'ai particulièrement été intéressée par les aspects juridiques de l'affaire, les parades des avocats, les textes sur lesquels ils s'appuient et leurs interprétations des textes de lois. Par ailleurs, les sources d'inspiration de Philippe Lamour, Cyrano de Bergerac et Mirabeau, donnent lieu à des joutes oratoires et à des réparties mémorables ! Sa plaidoirie finale est tout simplement magistrale.
Un roman qui fait réfléchir...
Le risque avec un tel sujet c'est que le côté "donneur de leçons" prenne le dessus et écrase la fiction de tout son poids. Ce n'est absolument pas le cas ici : même si l'auteur ne cache pas que cet épisode "dépassait tout ce que j'avais espéré tant il m'apparaissait aussi extraordinaire dans sa dramaturgie que contemporain dans les ramifications de ses thématiques", il a bien pris soin de présenter les différents points de vue des personnages sans jamais porter un jugement ni prendre parti. De toute façon, nul besoin d'enfoncer le clou : les faits sont là et parlent d'eux-mêmes.
Mieux encore, il parvient à mettre en lumière des questions toujours d'actualité et qu'il évoque à la fin du livre : Certains livres sont-ils dangereux ? Où commence et où s'arrête la liberté d'expression ? Que faut-il interdire ou ne pas interdire ? Sommes-nous aujourd'hui capables de renoncer à ce qui nous oppose et de nous unir contre un ennemi qui nous menacerait tous ou simplement autour de valeurs plus grandes que nous ?... Ces questions parleront à tout le monde, mais suivant le parcours de chacun(e), elles auront une résonance plus ou moins forte. À titre personnel et professionnel, ces questions m'ont rappelé mes propres interrogations lors de la parution en 2021 de la réédition revue et accompagnée d'un appareil critique de
Mein Kampf par les éditions Fayard. Et évidemment toutes ces questions résonnent dans nos têtes au vu de l'actualité...
Un roman historique instructif, basé sur une histoire vraie stupéfiante et qui tient le lecteur en haleine jusqu'au bout !
♜ ♜ ♜ ♜ ♜ ♜
En conclusion
Points forts :
- Le point de départ du roman : un fait historique méconnu et très romanesque.
- Une autre manière de parler du nazisme et de l'antisémitisme.
- Un bon équilibre entre l'Histoire et la fiction.
- Les passionnants aspects juridiques liés au droit d'auteur, rendus accessibles à tou(te)s et le dessous des stratégies des avocats.
- Une maîtrise du récit, un bon rythme avec des pics de suspense et de tensions, et des rebondissements bien que le sujet ne semblait pas s'y prêter beaucoup de prime abord.
- Le personnage atypique de Philippe Lamour, un avocat à la fois rusé, courageux, tenace et drôle.
Points faibles :
- Un contexte historique et quotidien, celui des années 30 en France, peu développé (et pas présenté en début de livre) : une petite sensation d'être en vase clos, mais qui permet d'être au coeur du sujet.
- Absence de mini-biographies des personnages historiques qui interviennent dans le roman. Je ne sais pas si certains ont existé ou pas...
Caractéristiques techniques
Livre papier
Éditeur : Les Escales
Date de parution : janvier 2025
Couverture : brochée
Format : 14 cm x 22,5 cm
Pagination : 336 pages
ISBN : 978-2-3656-9901-3
Livre numérique
Éditeur : Les Escales
Format : 7switch :
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