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mercredi 24 septembre 2014

La légionnaire. Héroïque et libertine

La légionnaire
Auteur : Gérard Bardy

Texte de présentation

Susan Travers reste à ce jour la seule femme admise dans les rangs de la légendaire Légion étrangère, depuis sa création en 1831. C'est avec la Légion qu'elle s'est couverte de gloire sur les principaux champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale.
Qui fut cette jeune femme au destin extraordinaire ? À partir d'une reconstitution historique rigoureuse, Gérard Bardy nous raconte l'incroyable aventure de cette aristocrate anglaise, jetée dans les péripéties de la guerre après avoir fait le choix de rejoindre les volontaires de la France Libre. Devant Dakar avec de Gaulle, sous les tirs des mortiers en Érythrée, en Syrie, en Libye, en Tunisie, en Italie puis en France jusqu'à la libération de Paris et de Strasbourg, elle s'est illustrée sur tous les grands théâtres d'opération. Souvent, au péril de sa vie.
Mais quelle femme s'est cachée derrière cette héroïne à l'insolent courage, capable de traverser de nuit, au volant d'un véhicule militaire, les lignes ennemies sous les obus ? Comment la jeune femme émancipée, très tôt affranchie des contraintes sociales de son milieu, est-elle devenue une femme amoureuse, parfois libertine, complice de plusieurs officiers de légende de la Légion ? Sous le feu des armes, elle a ainsi conquis le coeur d'un bel officier, authentique prince géorgien, puis celui du général Pierre Koenig, le héros de Bir Hakeim, à qui elle a sauvé la vie.

Mon avis : Assez Bien

Sous forme romancée, Gérard Bardy, journaliste et écrivain, spécialiste de la période de la France Libre, retrace la vie étonnante d'un personnage méconnu de la Seconde Guerre mondiale : Susan Travers, et, à travers elle, l'histoire de la Légion étrangère. Car Susan Travers reste à ce jour la seule femme à avoir été admise au sein de ce corps d'armée.

Une jeunesse frivole
Pourtant rien ne prédestinait cette jeune aristocrate anglaise plutôt frivole à se lancer dans la carrière militaire. Née en 1909 à Londres dans une famille de la petite aristocratie anglaise, Susan grandit au sein d'une famille qui ne s'occupe guère d'elle, d'où naîtront un sentiment d'abandon et un manque d'affection qu'elle essaiera de combler tout au long de sa vie. Son père, officier de la marine britannique, est un homme taciturne et rigide ; sa mère est d'un tempérament mélancolique ; quant à son frère aîné, Laurence, il l'ignore totalement. Heureusement, elle peut compter sur sa charmante grand-mère Hilda pour l'égayer !
Après un passage en pension ne lui laissera qu'un mauvais souvenir, elle part s'installer à Cannes avec ses parents, où elle s'entraîne pour devenir joueuse de tennis. Elle parvient à convaincre son père de lui payer des leçons de conduite – à cette époque, seuls les hommes conduisent –, ce qui aura une incidence dans sa vie future… Durant les années 1930, elle parcourt l'Europe pour participer à des compétitions de tennis et mène une vie trépidante, multipliant les liaisons amoureuses sans lendemain, participant à des fêtes à n'en plus finir...

La Seconde Guerre mondiale
Sa vie bascule au cours de l'automne 1939, alors qu'elle se trouve dans le château d'une amie américaine près de Chatellerault : la Grande-Bretagne et la France viennent de déclarer la guerre à l'Allemagne. Après avoir reçu une formation d'infirmière, elle rêve de devenir chauffeur d'ambulance, mais la Croix-Rouge française l'envoie sur le front en Finlande comme infirmière en 1940. Certes, elle est d'une grande utilité auprès des soldats blessés, mais sa vocation n'est pas là, elle désire toujours devenir chauffeur d'ambulance !
De retour à Londres – la Croix-Rouge française n'a plus de mission à lui confier l'armistice ayant été signé –, Susan s'engage dans les Forces Françaises Libres auprès du général de Gaulle. Rapidement, elle rejoint l'Afrique sur le SS Westernland avec la Légion étrangère placée sous les ordres du général, en tant qu'infirmière. C'est là qu'elle y fait la connaissance d'un jeune lieutenant de vaisseau, Tony, avec lequel elle entretient une courte liaison amoureuse. Destination : Dakar, d'où de Gaulle veut rallier à la France livre les colonies françaises d'Afrique de l'Ouest encore fidèles au gouvernement de Vichy.
À partir de ce moment, les missions et les théâtres d'opération vont s'enchaîner pour Susan : Dakar, Brazzaville, Port-Soudan, Érythrée, Suez, Gaza, Syrie, Palestine, Liban, Libye… Chacun de ces lieux sont le symbole d'événements marquants pour Susan : c'est sur le Neuralia en partance pour Port-Soudan qu'elle tombe follement amoureuse du légionnaire Dimitri Amilakvari ; ce sera le premier vrai amour de sa vie. Ce prince géorgien est marié et père de famille, mais peu importe en ces temps de guerre, ils deviennent amants. Et c'est enfin en tant que conductrice – du commandant André Lotte, médecin de l'armée, en l'occurrence – qu'elle gagne l'Érythrée. Elle ne lâchera plus le volant : Susan devient la conductrice du général Koenig, son deuxième grand amour, lui aussi est marié. Elle le suit partout, en Syrie, à Beyrouth, en Palestine, en Libye jusqu'à Bir Hakeim, où elle s'illustre en sauvant la vie du général Koenig : alors que le site est assiégé par les troupes de Rommel, le général Koenig décide de franchir les lignes ennemies dans sa voiture conduite par Susan. Koenig à l'arrière, la guidant en lui donnant des coups de pied sur les épaules, Dimitri Amilakvari, à côté d'elle pour la guider à la boussole, elle avance à toute vitesse, évitant les balles, les mines et les obus… Ils s'en sortent sains et saufs ! Mais la joie est de courte durée : Dimitri Amilakvari meurt au combat quelques semaines plus tard à la bataille d'El Alamein. Et lorsque le général Koenig apprend qu'une radio italienne a révélé leur liaison – madame Koenig rejoint d'ailleurs immédiatement son mari en Égypte –, il met tout en oeuvre pour éloigner Susan de lui : appelé par le général de Gaulle en Tunisie, il prétexte que les Britanniques lui demandent de ne plus avoir de femme comme conducteur ! Susan est effondrée et pense même à se suicider. Mais elle reprend le dessus, malgré la fatigue et la solitude ressentie : après la campagne de Tunisie, elle enchaîne avec la campagne d'Italie, puis rejoint la France et remonte jusque dans les Vosges, participant à la libération du pays. Toujours active, partout à la fois, elle ramasse les blessés sur le front ou aide les équipes médicales débordées sans jamais rechigner à la tâche.

Le retour à la vie civil
Revenir à la vie civile ? Impossible pour Susan : après avoir obtenu son inscription dans les registres de la Légion étrangère en tant qu'adjudant-chef – ce qui ne fut pas une mince affaire –, Susan repart en mission en Tunisie où elle fait la connaissance d'un jeune légionnaire, l'adjudant Nicholas Schlegelmilch, avec lequel elle se marie quelques années plus tard en Indochine, où ils sont appelés pour y restaurer l'ordre. Peu après, elle décide de quitter la Légion étrangère pour se consacrer à sa famille, elle qui a maintenant deux fils, d'abord à Saigon puis au Maroc et enfin en région parisienne.

Un parcours exceptionnel, un personnage discret
Malgré ses nombreuses distinctions – croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil et palme, médaille commémorative de la guerre 1939-1945 avec agrafes "Afrique", "Italie" et "Libération", médaille coloniale avec agrafes "Érythrée", "Libye", "Bir Hakeim", "Tunisie" et "Extrême-Orient", croix de la Liberté finlandaise, croix d'honneur du Mérite syrien, médaille d'officier du Nicham Iftikhar tunisien, médaille militaire, chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur –, Susan est toujours restée modeste, discrète, en retrait. Ce n'est qu'à la mort des principaux protagonistes de son histoire qu'elle s'autorisa à écrire son autobiographie. Susan est décédée en 2003 à l'âge de 93 ans.

Une biographie romancée très réaliste
À la lecture de ce récit, on ne peut que s'interroger sur le passionnant destin de Susan Travers, qui semble n'avoir duré que quelques années tant la période de guerre, si forte et si riche, l'emporte sur sa jeunesse frivole et sa période de mère au foyer. Un parcours étonnant que celui de cette jeune fille insouciante qui se retrouve du jour au lendemain sur les champs de bataille puis tout à coup retombe dans l'anonymat le plus complet... et qui l'accepte. Pourtant le choc a dû être brutal, comme le jour où le général Koenig l'a abandonnée. Peut-être avait-elle acquis ce qui était le plus précieux pour elle, ce à quoi elle aspirait depuis toute petite : avec son mari elle avait enfin trouvé l'amour et la stabilité. À l'aune de son histoire, l'on comprend mieux le nombre de ses conquêtes amoureuses, c'était peut-être une manière de pallier sa peur d'être abandonnée, son besoin d'être protégée et aimée. Certains pourraient être tentés de lui reprocher son côté libertin en temps de guerre – ce fut mon premier réflexe, je l'avoue –, mais ce besoin de séduire était peut-être un moyen de se dire que la vie ne s'était pas arrêtée, c'était une manière de lutter contre l'horreur et de se sentir tout simplement humain alors que rien ne conduisait à le penser. On pourrait continuer longtemps à chercher des explications, mais il suffit juste de reconnaître que Susan Travers est un personnage complexe, comme nous le sommes tous !

Mieux qu'un livre d'histoire, cette biographie romancée nous faire entrer de plain-pied sur les théâtres d'opération en Afrique et au Proche-Orient, et nous restitue avec réalisme la dure réalité de la guerre et de la vie des armées françaises.

site Internet Editions Pygmalion
Merci aux Éditions Pygmalion !

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Pygmalion
Date de parution : septembre 2014
Couverture : brochée
Format : 15,3 cm x 24,1 cm
Pagination : 267 pages
ISBN : 978-2-75641-122-4

Livre numérique

Éditeur : Pygmalion
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