Texte de présentation
Ce livre retrace l'épopée des morisques expulsés d'Espagne en 1609.Ziyad al Andalusi, maître-brodeur, est contraint de fuir Séville pour Salé, où il devient un pilier de la cité corsaire en développant le commerce maritime. Son fils, Sirajeddine, s'installe à Tétouan, perpétuant l'art de la broderie en collaboration avec des artisans juifs, jusqu'à ce que les tensions religieuses bouleversent cet équilibre. À Marrakech, Malek, dernier héritier, crée un atelier florissant, mais son amour pour Keltoum, une esclave affranchie, le mène à une fin tragique.
Ce roman historique mêle saga familiale et fresque culturelle, explorant les thèmes de l'exil, de la résilience et du dialogue interculturel.
Caractéristiques techniques
Livre papier
Éditeur : L'HarmattanDate de parution : avril 2025
Couverture : brochée
Format : 13,5 cm x 21,5 cm
Pagination : 292 pages
ISBN : 978-2-3365-2045-2
Livre numérique
Éditeur : L'HarmattanFormat : Decitre : PDF –– ePagine : PDF












L’amour brodé à contre-courant de l’histoire
RépondreSupprimerDans Brodeurs de destins, de Séville à Marrakech, Fouad El Mazouni tisse avec minutie le récit d’une diaspora morisque. Mais si l’Histoire, avec sa grande hache, structure le fond du roman, ce sont les rencontres amoureuses qui en révèlent la fibre la plus vibrante. Dans ce monde fracturé par l’exil, l’amour n’est jamais simple. Il est clandestin, improbable, tragique parfois, mais toujours essentiel.
Chaque histoire amoureuse surgit comme un défi jeté à l’époque. Sirajeddine et Sarah, à Tétouan, osent une union entre un musulman et une juive, effaçant le temps d’un mariage les frontières invisibles qui séparent leurs mondes. Leur bonheur est fugace ; la violence historique ne tarde pas à reprendre ses droits. Mais leur lien affirme, même brièvement, une humanité que ni l’exil ni la guerre n’auront réussi à abolir.
Plus tard, à Marrakech, Malek, héritier d’une tradition artisanale, aime Keltoum, une femme esclave affranchie puis répudiée. Là encore, l’amour ne s’installe pas dans la légalité. Il se heurte à des lois ancestrales, à des coutumes qui permettent tout sauf de réparer ce qui a été brisé. Malek meurt sans avoir pu rétablir ce lien perdu, scellant dans son silence l’impossibilité d’un pardon que ni la charia ni les hommes ne consentent à offrir.
Plus discret, mais non moins marquant, l’amour entre Ziyad et Inès incarne une autre forme de résistance : celle du geste lent, patient, presque imperceptible. Dans l’atelier de broderie, entre les fils d’or et les tissus fins, c’est dans la précision partagée des gestes que naît leur lien. Ici, l’amour se tisse comme les étoffes précieuses qu’ils travaillent : humble, solide, essentiel.
Ailleurs, dans une Séville crépusculaire, Bachir et Victoria, figures de la transgression, se heurtent brutalement aux interdits. Leur passion, née au-delà des dogmes religieux, se fracasse contre les murs sociaux de l’époque. L’amour, chez El Mazouni, n’est jamais éthéré ; il est vulnérable, charnel, exposé aux vents mauvais de l’histoire.
Ce qui fait la force de Brodeurs de destins, c’est que l’auteur ne sépare jamais l’intime du politique. L’amour n’est pas un refuge contre l’histoire ; il est pris dans ses filets. Et pourtant, c’est par l’amour que les personnages existent pleinement. Ils aiment comme ils respirent, comme ils survivent. Et à travers eux, c’est toute une mémoire collective qui trouve une voix.
Fouad El Mazouni parvient à rendre palpables ces amours minuscules, ces tendresses entravées, ces fidélités silencieuses. Sans jamais céder au romanesque facile, il donne à voir comment, dans les marges de l’Histoire, se jouent d’autres destins. Plus fragiles, peut-être. Mais aussi plus durables.
À la lecture, une évidence s’impose : ces rencontres amoureuses sont autant de résistances. Elles tissent, en secret, une trame humaine qui défie les effacements officiels. Si l’histoire officielle est souvent une succession de pertes, Brodeurs de destins rappelle que l’amour, même clandestin, même condamné, laisse sa marque. Comme un fil d’or perdu dans la trame sombre, que la lumière finit toujours par révéler.