Slideshow

Mes dernières critiques

jeudi 22 août 2013

L'adieu aux rois. Paris, janvier 1794

L'adieu aux rois
Auteur : Valère Staraselski

Texte de présentation

"On venait d'ouvrir le cercueil de Marie de Médicis [...] il était [...] en putréfaction liquide. [...] Sa tête était entière et garnie de beaucoup de cheveux.
Aussitôt, il a entendu les [...] ouvriers et autres assistants qui accusaient cette princesse du meurtre de son époux. [...] ces imprécations signifiaient néanmoins un hommage [...] rendu à la mémoire d'Henri IV toujours chérie, malgré la haine prononcée contre le nom de roi ! Les ouvriers [...] ont arraché et distribué au hasard ses cheveux. Il m'a confessé avoir alors tendu, au milieu du groupe, une main incertaine qui a réussi à en saisir une petite touffe qu'il a eu soin de conserver..."
1793, la France est assiégée. Prussiens, Autrichiens et Anglais cantonnent à quelques heures de Paris. Le bruit court que le roi de Prusse a fait retenir les loges à l'Opéra. Lyon et Bordeaux sont en rébellion contre la Convention tandis que les Vendéens insurgés ont pris Angers et Saumur. Terreur, sauvagerie et férocité caractérisent cette guerre civile.
Le conventionnel Barère appelle à la destruction des mausolées royaux. Les sans-culottes applaudissent et l'abbé Grégoire lui-même s'enthousiasme. Les cercueils des rois et reines de France, princes, princesses, religieux et grands de l'État sont ouverts et leurs corps extraits un à un puis jetés dans deux fosses communes.
Un témoin, Ferdinand Gautier, personnage réel, royaliste et catholique fervent, relate jour par jour ces faits à l'avocat robespierriste Marc-Antoine Doudeauville...

En complément


Mon avis : Très Bien

Un sujet inédit
À ma connaissance, c'est la première fois qu'un roman historique aborde la violation et la destruction des tombeaux de la basilique Saint-Denis, événement qui se déroula entre août 1793 et janvier 1794. Un sujet encore trop rarement traité de nos jours, quel que soit le média (manuel scolaire, ouvrage de sciences humaines, documentaire télévisé...).

Une structure narrative agréable
Le récit s'organise autour de la confession de Ferdinand Gautier, titulaire des orgues de l'abbatiale de Saint-Denis, qui relate les faits dont il a été témoin en 1793 à trois personnages, l'avocat Marc-Antoine Doudeauville, son secrétaire particulier Georges de Coursault et André de Maisonseule. En effet, Doudeauville s'est engagé à envoyer un mémorandum sur ces événements stupéfiants à son ami Sébastien Bréhal, qui réside désormais à Boston.
Cette confession, qui intervient entre le dimanche 5 janvier et le samedi 11 janvier 1794 – jeudi 30 janvier si l'on tient compte de la lettre de Gautier –, se déroule dans un espace unique, l'appartement de Doudeauville. Le roman est ainsi divisé en plusieurs chapitres correspondant aux différentes journées, et la confession elle-même est rythmée par l'emploi du temps de Gautier, la présence de la petite chatte Bergamote et de Baptiste qui ranime le feu, les flammes du feu elles-mêmes, le temps (la neige et le froid, en l'occurrence) et les remarques des différents personnages. Cette structure narrative claire et bien découpée, qui s'apparente à celle d'une pièce de théâtre, donne au récit de la force et du rythme, ce qui permet de ne jamais se sentir envahi ou lassé par un flot continu d'informations.

Un roman instructif
Ce roman contient beaucoup d'informations et de détails, mais la lecture est fluide grâce à la structure narrative choisie, celle du témoignage. Un bon mélange entre la fiction romanesque et le documentaire. Pour ma part, j'ignorais que les sépultures antérieures aux Bourbons avaient été également profanées et détruites, sans oublier celles de personnages non royaux (Turenne, l'abbé Suger, etc.)... Personnages enterrés, état de conservation des corps, description des opérations... on a l'impression d'être sur place !

Un double regard
Loin de jouer la carte des gentils républicains contre les méchants royalistes et vice versa, ce roman permet, grâce à la voix du royaliste Gautier et de celle de l'avocat robespierriste Doudeauville, de donner des points de vue différents sur cette période et cet épisode tragique. Par l'entremise de Doudeauville qui cite des extraits des discours de Robespierre, on assiste même à une réhabilitation de ce personnage historique, considéré communément comme un tyran sanguinaire. Une chose est sûre : les historiens ont encore beaucoup de travail à faire pour donner de cette période controversée une vision objective et non plus manichéenne.
Extrait du discours prononcé par Robespierre le 21 novembre 1773 face à la tribune des Jacobins (pages 169-170) :
"De quel droit voudraient-ils troubler la liberté des cultes au nom de la Liberté, et attaquer le fanatisme par un fanatisme nouveau ?... On a dénoncé des prêtres pour avoir dit des messes : ils la diront plus longtemps, si on les empêche de la dire. Celui qui veut les empêcher est plus fanatique que celui qui dit la messe. [...] Il est des hommes qui veulent aller plus loin, qui, sous le prétexte de détruire la superstition, envisagent de faire une sorte de religion de l'athéisme lui-même. Tout philosophe, tout individu peut adopter là-dessus l'opinion qu'il lui plaira. quiconque voudrait lui en faire un crime est un insensé ; mais l'homme public, mais le législateur serait cent fois plus insensé qui adopterait un pareil système..."

Une leçon universelle
Ce roman, quelle que soit l'opinion que l'on peut porter sur la Révolution française, met en lumière à quelles extrémités les hommes peuvent en arriver quand ils se sentent ignorés, incompris, pas écoutés... Folie, cruauté, fureur... comment peut-on expliquer la profanation de ces sépultures et les actes commis sur les cadavres (ongles, dents et mèches de cheveux arrachés...) ? Tout est affaire de symbolique (pages 178-179) :
"C'est sans aucun doute ce qu'avaient compris ceux qui avaient voulu l'exhumation : il convenait d'infliger une nouvelle mort, une mort définitive à ceux-là qui s'étaient toujours présentés comme indéfiniment vivants ! le lien n'avait-il pas été détruit lorsque le représentant en mission à Reims, Philippe-Jacques Ruhl, avait brisé la sainte ampoule utilisée lors du sacre des rois de France ? N'était-ce pas également le sens de la mise à mort de Marie-Antoinette ? Il n'avait point suffi de décapiter Louis XVI, car le roi mort et vive le roi, il fallait anéantir l'enchaînement vital jusque dans la matrice qui déterminait l'hérédité. Il fallait chasser ces fantômes qui allaient et venaient comme chez eux parmi les vivants."

Quatre petits bémols
1. L'aspect confession en un lieu unique pourra décourager les lecteurs en attente de scènes d'action.
2. Il aurait été intéressant que l'auteur indique ses sources en fin d'ouvrage (Dom Poirier, Dom Druon, Alexandre Lenoir...), car le sujet est très intéressant et certains lecteurs peuvent avoir envie d'en savoir plus !
3. Autres éléments qui auraient pu être intéressants : intégrer en fin d'ouvrage une chronologie récapitulative des faits et nous indiquer ce que sont devenus les ossements jetés dans les fosses communes et si des monuments funéraires ont échappé à la fureur des hommes ou ont pu être restaurés.
4. Je me demande si une erreur ne s'est pas glissée en page 21 : l'auteur indique que les personnages sont réunis "ce dimanche de janvier", or nous sommes dans le chapitre "Samedi 4 janvier 1794 - 15 Nivôse de l'An II, dans l'après-midi".

Trois conseils
1. Il est préférable de lire auparavant Une Histoire française, premier tome de cette histoire de la Révolution française, même si ce roman peut être lu de manière indépendante. Vous serez ainsi bien familiarisé avec les différents protagonistes, leur caractère, leur histoire, leurs relations, et comprendrez mieux les personnages dont ils parlent ici mais que l'on ne voit pas (Julie, Constance de Durbois). Et puis c'est toujours mieux de lire les romans dans l'ordre chronologique !
2. Si le sujet vous intéresse, vous pouvez aller faire un tour sur le blog "C'est arrivé aujourd'hui", qui retrace, avec un point d'humour comme toujours, la journée du 14 octobre 1793. Sans oublier Wikipedia qui a consacré une page à la profanation des tombes de la basilique Saint-Denis. Mais, surtout, écoutez Franck Ferrand qui a consacré une émission passionnante à la profanation des tombes royales à Saint-Denis sur Europe 1 ("Au coeur de l'histoire").
3. Si vous ne connaissez pas ce monument, courez vite à la basilique de Saint-Denis !

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Le Cherche-Midi
Date de parution : août 2013
Couverture : brochée
Format : 14,1 cm x 22,1 cm
Pagination : 232 pages
ISBN : 978-2-7491-3291-4

Livre numérique

Éditeur : Le Cherche-Midi
Format : 7switch : ePub –– Amazon : Kindle –– Decitre : ePub –– ePagine : ePub –– Feedbooks : ePub –– Fnac : ePub –– Numilog : ePub

10 commentaires:

  1. Ce roman historique nous plonge en plein cœur de l'année 1793, alors que dans la nécropole de Saint-Denis les corps des reines, des rois et des grands personnages sont exhumés sans ménagement.

    Dans un petit salon de la rue Nevers, trois hommes, observés par la chatte Bergamote véritable respiration du livre, rédigent un mémoire pour un ami en Amérique, soucieux de connaître la situation du pays.
    Valère Staraselski dissèque pour nous les paradoxes, les débordements, les enjeux de cette Révolution et de cette période que nous ne finissons pas de découvrir. Robespierre apparaît dans ces pages sous un angle bien particulier et inhabituel…
    Comme d’habitude, la plume de Valère Staraselski s’encombre peu de détours inutiles. On sent que pour lui la compréhension du passé, dans ses infinies nuances, permet de mieux appréhender le présent.
    Ce livre, tout en étant indépendant et pouvant se lire de façon autonome, fait suite à Une histoire française qui avait déjà su me séduire en 2006 lors de sa publication.

    RépondreSupprimer
  2. Ce livre m'a emballé.

    C'est un roman historique qui permet à tout lecteur de pénétrer dans cet épisode charnière de l'histoire de France. Merci à l'auteur de nous permettre de comprendre les tenants et les aboutissants de cette période si importante de notre pays.

    J'ai lu "Une histoire française" en 2006, ce livre m'a énormément apporté, j'ai pu apprendre et comprendre l'importance de cette fin du "siècle des lumières". L'auteur Valère Stareslki a le don de conter si bien ces pages d'histoire. Merci, j'ai beaucoup appris et compris.

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour vos commentaires ! Je vois que ce roman vous a énormément plu. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas Une Histoire française, voici le lien car le livre est présent sur mon site (ouf, je ne l'ai pas oublié ;-) : http://romans-historiques.blogspot.fr/2006/08/une-histoire-francaise-paris-janvier.html
    En tout cas, vos avis me donnent envie d'ajouter ce livre à ma liste de romans à lire prochainement !

    RépondreSupprimer
  4. Dans le cadre des mardis littéraires de Jean-Lou Guérin, Valère Staraselski présentera L’Adieu aux rois le 10 septembre 2013, à 20 h 30, au premier étage du Café de la mairie, Place Saint-Sulpice, Paris 6e arrondissement. Jean-Claude Caillette présentera Valère Staraselski, et Patrice Bouret lira certains passages de L’Adieu aux rois.

    RépondreSupprimer
  5. L'Adieu aux Rois, livre épatant à offrir. L'auteur a su nous entraîner dans cette saga étonnamment violente où tout a basculé. L'adieu aux Rois est le second chaînon de cette saga en deux parties. Une histoire française publié en 2006 est en fait le premier le roman historique qui parle si bien de la fin des siècles des lumières. Un grand merci à l'auteur Valère Staraselski a un dont certain de conteur.

    RépondreSupprimer
  6. L'Adieu aux Rois, livre épatant à offrir. L'auteur a su nous entraîner dans cette saga étonnamment violente où tout a basculé. L'adieu aux Rois est le second chaînon de cette saga en deux parties. Une histoire française publié en 2006 est en fait le premier le roman historique qui parle si bien de la fin des siècles des lumières. Un grand merci à l'auteur Valère Staraselski a un dont certain de conteur.

    RépondreSupprimer
  7. Merci Mistigri pour cet avis !... Décidément, il faut vraiment que j'aille très vite en librairie pour l'acheter !

    RépondreSupprimer
  8. Frédérique,

    L'avez-vous lu ?
    Si oui, qu'en avez-vous pensé? j'aimerai lire votre avis.

    Cordialement.

    Une lectrice et fan de V. Staraselski.

    RépondreSupprimer
  9. Merci Leslie pour votre message ! Je suis vraiment touchée que vous ayez envie de lire mon avis sur ce roman... que je n'ai hélas pas encore lu. Mais après avoir pris connaissance de votre message, je me suis décidée à le lire très vite ! A priori, j'aurai le livre mardi, je le commencerai illico (euh, après ma journée de travail tout de même ;-) et je publierai ma critique très vite. A bientôt alors !

    RépondreSupprimer
  10. Merci aux différents internautes qui m'ont conseillé de lire ce roman !

    RépondreSupprimer